Manuscrit d’un prêtre rescapé
Cette relation des évènements, datée du 30 mars 1795, a été faite à Saintes, par un prêtre de l’Allier, Antoine Lequin, après avoir été libéré. Un autre exemplaire, de la main de ce même prêtre, est conservé aux archives de l’Evêché de Moulins.
Ce manuscrit original, de 60 pages, prêté aimablement par une habitante de l’île d’Aix, est reproduit ici dans son intégralité pour l’établissement de ce site.
R E L A T I O N
De ce qu’ont souffert les Prêtres conduits à la rade de l’isle d’Aix à la fin de l’an de grâce 1793 & au commencement de 1794
Suivie du tableau général des 35 Départements réunis à la rade de l’isle d’Aix, et du tableau particulier des Prêtres du Département de l’Allier.
SECONDE EDITION
Revue, corrigée & augmentée par un Prêtre déporté du Département de l’Allier, & du diocèse de Clermont.
Texte latin dont la traduction suit :
« Qui nous séparera de l’amour de Jésus-Christ ? Sera-ce la tribulation ou la détresse ? la faim ou la nudité ? la persécution ou le glaive ? Car il est écrit : (On nous met à mort tous les jours en haine de votre Saint nom. On nous regarde comme des brebis destinées à la boucherie.) Mais au milieu de tous ces maux, nous sommes victorieux, étant soutenus de celui qui nous a aimé. » (St Paul aux Romains, chap. 8, v 35-37).
Poème en latin de 150 vers : ……. dont la traduction suit (Ps 73, 1) « Pourquoi, ô Dieu, rejeter jusqu’à la fin ? »
Traduction libre de la pièce précédente
A v e r t i s s e m e n t
J’ai retouché et corrigé en plusieurs endroits les vers précédents aussi bien que la traduction suivante. J’y ai ajouté des notes pour l’intelligence de quelques endroits lors de mon séjour à Saintes où nous sommes en réclusion y ayant été transférés du vaisseau funeste où nous avons demeuré si longtemps, et où un séjour de trois jours de plus aurait suffi pour éteindre un souf-fle de vie qui me restait encore. Grâces soient rendues à l’infinie miséricorde du Seigneur. La généreuse ville de Saintes (mon cœur si longtemps flétri éprouve les tressaillements de la joie la plus pure et la plus douce lorsque je prononce ou que je trace ce nom chéri), la généreuse ville de Saintes nous fait oublier tous nos malheurs.
Lorsque nous y arrivâmes, nous étions semblables à des squelettes, à des cadavres sortis de l’infection des tombeaux. Nous excitâmes jusqu’à la compassion de nos ennemis. Il y eut une permission générale de la part des autorités constituées de soulager les prêtres déportés dans leur réclusion. La porte ne put se fermer de trois jours tant était grande l’affluence de ceux et de celles qui nous soulageaient. Nous manquions de tout, et bientôt nous n’eûmes besoin de rien. Les malades, bien soignés et respirant un air salubre, eurent bientôt recouvré leurs forces. Les bienfaits dont cette ville généreuse nous comble tous les jours, l’honnêteté et la grâce qui accompagnent ces bienfaits sont au dessus de toute reconnaissance, sont au dessus de toute expression.
Que ne m’est-il permis de faire connaître, ici, tant de généreux bienfaiteurs, tant de géné-reuses bienfaitrices qui se privent souvent du nécessaire pour me soulager. Mais je ne dois pas les compromettre, ni me compromettre moi-même. Nous vivons dans un temps malheureux où les vertus les plus essentielles, les plus solides, les plus aimables sont punies, et assez souvent du dernier supplice, dans des circonstances où l’impiété, la scélératesse et la férocité brutale ont un droit exclusif aux éloges et aux récompenses. Je lis dans les yeux de ceux et celles qui me comblent de bienfaits, je lis dans ces yeux attendris et mouillés par les larmes de la charité la plus affectueuse et la plus compatissante, qu’ils regardent comme une grâce et une bonté de ma part de vouloir bien accepter leurs offres. Grand Dieu qui avez promis de faire miséricorde aux miséricordieux, répandez sur mes chers bienfaiteurs, sur mes généreuses bienfaitrices vos plus abondantes bénédictions, remplissez leurs âmes des consolations les plus douces, revêtez-les de cet esprit de force qui fait triompher glorieusement des plus grands obstacles, récompensez-les au centuple des effets de leur charité à mon égard.
Quel contraste ! quand je songe à la férocité de nos vils persécuteurs, quand je me rappelle ces paroles horribles qui frappèrent mes oreilles lors de mon arrivée au Borée : « Scélérats, bri-gands, il faut avoir une vertu plus qu’humaine pour vous laisser subsister . » Nous attendons avec patience une liberté qu’on nous fait espérer prochaine, et nous la devrons aux sollicita-tions vives et empressées des généreuses citoyennes de Saintes qui ont écrit en notre faveur à la Convention et qui attendent, de jour en jour, une réponse favorable. Je ne recevrai des nou-velles de ma liberté qu’avec le regret le plus sincère de me séparer de tant de chers amis. En quelqu’endroit de la terre, quelque soit le climat que j’habite, je leur voue à tous une recon-naissance qui durera autant que ma vie.
***** A Saintes le 30 Mars 1795 ****
D E S C R I P T I O N (1)
Des maux qu’ont souffert les Prêtres du Département de l’Allier, ainsi que ceux de plusieurs autres Départements, entraînés contre toutes lois à la Déportation ou plutôt à la mort sur la fin de l’an de grâce 1793 et (2) au commencement de 1794
Apprenez, chers lecteurs et considérez attentivement les prodiges admirables opérés par la foi catholique. Que de merveilles étonnantes dont nous avons été les heureux témoins. Grâces en soient rendues au Seigneur. C’est lui qui nous a soutenus dans nos détresses. C’est lui qui a allégé la pesanteur de nos croix par la douceur de ces divines consolations. Ceux que l’onction sainte, ô Dieu tout puissant, vous a consacrés, ceux que Jésus-Christ, votre fils, a daigné agréer pour être les ministres de son amour infini envers les hommes, après avoir été chassés de leurs paisibles demeures et dépouillés des biens temporels que les lois ecclésiastiques et civiles accordaient pour leur subsistance, après avoir erré comme des vaga-bonds et des gens sans aveu qui n’ont d’autre ressource que la commisération des personnes charitables, après avoir gémi dans une longue captivité, soit dans les prisons, (3) soit dans les maisons de réclusion, après avoir traversé ainsi que des criminels une grande partie de la France, en but aux outrages, aux avanies, aux insultes, aux mauvais traitements d’une popu-lace effrénée et d’une soldatesque insolente, n’ayant à la fin de chaque jour que des prisons et des cachots infects pour hospice, après avoir erré quelque temps sur les flots d’un élément fougueux et mutiné, sont enfin fixés (la déportation n’ayant pas eu lieu) à la (4) rade d’une petite isle. Station, hélas ! bien cruelle et plus pernicieuse que n’aurait été la (5) plus longue traversée. Les ministres du Seigneur sont entassés les uns sur les autres dans le vaisseau qui leur sert de prison ou plutôt de cachot ; car ils ne reçoivent le jour qu’à travers d’épais barreaux qui laissent passer comme à regret quelques rayons d’une faible lumière par des fentes extrême-ment étroites. Jamais l’histoire n’a fourni, je crois, un exemple d’un si petit espace occupé par tant de personnes, chacun de nous avait tout au plus deux pieds cubes d’air. La supputation en a été faite avec exactitude : et cependant, selon l’observation des naturalistes, il en faut sept à huit pieds pour qu’un homme puisse vivre. Ce n’est pas tout. Lorsque la mort nous avait enle-vé vingt prêtres environ, on avait la cruauté d’en faire venir d’ailleurs vingt (6) quatre ou vingt cinq. Si la mort continuait de nous enlever nos chers confrères, les morts étaient aussitôt remplacés par un plus grand nombre de vivants. Il ne faut donc pas être surpris si l’air de cette prison fut promptement infecté, la plupart de nous étant infirmes et très âgés. Bientôt une cha-leur meurtrière et une odeur insupportable exercent leurs ravages. Ces membres, si dispos et si robustes auparavant, sont la proie d’une langueur mortelle. Ces visages vermeils et où bril-lait l’embonpoint et la santé sont couverts d’une pâleur affreuse. L’ami est une odeur de mort pour son ami le plus cher. Ceux dont le tempérament plus fort résiste davantage aux efforts de l’infection, se soumettent courageusement à se nourrir des vils aliments qu’on donne ailleurs aux pourceaux, afin de conserver une vie dont Dieu seul (7) doit disposer. Des poumons desséchés auraient-ils besoin de rafraîchissements ? Il y a de l’eau, mais sou-vent de l’eau de cale, infecte, puante, pourrie, propre tout au plus à exciter des nausées dan-gereuses. Le pain qu’on donne aux prêtres du Très-haut est tantôt moisi, presque jamais cuit à propos, tantôt il fourmille de vers, tantôt il est rongé par les souris, très souvent il est aussi dur que du bois. Quant aux viandes, elles sont tellement corrompues, que les derniers des matelots et des mousses, les rejettent et les renvoyent avec mépris, disant qu’elles ne (8) sont bonnes que pour des déportés. Parfois, elles ne sont pas cuites et conséquemment d’une dureté qui ne peut opérer qu’une très mauvaise digestion, ou elles sont tellement chargées de sel qu’elles sont plus nuisibles que profitables à la santé. Ajoutez une malpropreté tout à fait dégoûtante, et si vous considérez que nous n’avons ni nappe, ni serviette, ni table, ni chaise, ni couteau, ni fourchette, ni assiette, que quelque temps qu’il fasse, chaleur suffocante, soleil (9) ardent, pluie, neige, vent impétueux, froid excessif, nous sommes obligés de manger debout et pres-que toujours extraordinairement pressés, vous conviendrez, lecteurs, que notre traitement était à peu près le même que celui des animaux les plus vils et les plus méprisés, encore ne sont-ils pas si pressés que nous l’étions. Pour le vin, il n’est pas rare de le voir mêlé avec la lie ; quel-ques fois c’est de la lie toute pure, et cette misérable nourriture nous est donnée avec tant d’épargne qu’on ne doit pas être étonné que la faim, la cruelle faim ne soit bientôt venue à bout de détruire le peu de forces qui restait encore dans des corps déjà mourants. Les vêtements des malheureux déportés s’usent, s’altèrent, se déchirent et ne sont bientôt plus que des lambeaux. Quelle main impie et sacrilège a été avilir et dégrader ces prêtres vénéra-bles sur le front desquels étaient empreintes l’image et la ressemblance du souverain créa-eur ? O fille de Sion ! tu n’a plus ni beauté, ni gloire, ni éclat. Ô Jésus, notre souverain Pontife ! vos ministres ne sont plus reconnaissables. Si un sommeil bienfaisant pouvait au moins répandre ses bénignes influences sur des mem-bres harassés, on aurait lieu d’espérer que les forces perdues pourraient être réparées, mais comment pouvoir dormir sur des planches nues où la tête malade et extrêmement fatiguée, ne peut se reposer ? Comment dormir, assiégés continuellement par une multitude innombrable d’insectes malfaisants, vermine dégoûtante, puisqu’enfin il faut la nommer, qui renaît sans cesse pour ainsi dire de ses propres cendres, et dont on ne peut se délivrer quelques soins et quelque temps qu’on emploie ? S’il était permis au moins à ces malheureuses victimes de chanter les cantiques de Sion, s’ils pouvaient vacquer à la récitation du Saint office, s’ils pouvaient s’édifier par la lecture d’un livre de piété… Mais de telles consolations leur sont ôtées. Les livres saints ont été déchirés à leurs yeux, ils leur est même défendu de s’édifier mutuellement par des conférences pieuses et relatives à leur salut, s’ils parlent la langue vulgaire, ils exposent les choses saintes à la déri-sion, à la profanation, aux blasphèmes ; s’ils parlent latin, ils sont aussitôt condamnés (10) aux fers, comme coupables de complots et de projets tendant à la révolte. Il n’est pas permis aux exilés dans la plus cruelle des Babylones de toucher les cordes d’une harpe si sonore et si consolante. Elle donnerait de merveilleux accroissements à leur zèle, à leur soumission, à leur résignation, à leur courage et c’est ce que nos bourreaux ne veulent pas. Ils sont les plus forts et nous regardent comme de vils esclaves. La piété, au milieu des blasphèmes, des glaives et d’une foule d’espions dont nous sommes environnés de toutes parts, n’a d’autre ressource que les gémissements, les larmes secrètes et le silence. Tirons le voile sur ces horreurs. Il serait trop long d’entrer dans le détail de cet amas de maux qui fondent à la fois sur les oints du Seigneur. Peut-on penser sans frémir à de pareilles atrocités ? La poésie refuse ses couleurs et ses pinceaux pour les peindre. Quelqu’un des nôtres est-il menacé de maladie. La chaloupe est prête. De crainte que (11) l’épidémie ne gagne l’équipage, ce prêtre malheureux est transporté sur le champ dans une barque assez distante du vaisseau, pour rassurer nos cruels ennemis sur les suites de la (12) contagion. Si le malade est trop faible, ou s’il se permet la moindre représentation, on le (13) hisse comme on ferait un ballot de marchandise avec un câble qui l’étouffe, tant sa poitrine est serrée, et on le descend dans la chaloupe malgré lui. Là, il est exposé aux injures de l’air jus-qu’à ce que la marée permette de gagner la fatale barque. On lui donne improprement le nom d’hôpital ; mais elle mérite à plus juste titre le nom de barque de mort. Les malades (14) et les moribonds y sont amoncelés sur de sales matelas remplis de vermine et infectés d’ordure. Ces matelas sont-ils hors d’état de servir ? On entasse les malades sur les planches nues où on les laisse sans remèdes, sans nourriture, sans secours jusqu’à ce qu’ils soient (15) morts. Le roulis de la barque les renverse les uns sur les autres et cela souvent lorsque les (16) uns vomissent, lorsque les autres satisfont à divers besoins naturels. Presque tous touchent à leur dernière heure et ne se peuvent aider en rien. Quel spectacle pour un cœur sensible ! Il leur faut absolument du secours. Ils ont surtout un besoin urgent de ces secours contre lesquels la nature se révolte, et à l’idée desquels le cœur se soulève. Mais ô prodige du divin amour ! La nature a beau frémir, le cœur manifeste en vain ses répu-gnances. A quel héroïsme cet amour sacré ne porte-t-il pas les cœurs des mortels quand il y règne ! Je vois un nombre de jeunes prêtres embrasés de ce feu céleste, se dévouer pour être infirmiers. Que dis-je ? Ils font l’office de médecins, de garde-malades, de domestiques, de pasteurs, d’Apôtres. Il sont tout à tous. Je les vois dans un instant doués de l’intelligence, de l’aptitude et de la dextérité propres à soulager les malades et à s’acquitter avec fruit des obli-gations que leur zèle leur a fait contracter. Ô essaim généreux de prêtres respectables ! Par quels vers exalterai-je vos noms qui devraient être célébrés partout ! Quels éloges donnerai-je à cette charité qui se sacrifie pour ses amis ? Car vous vous oubliez vous mêmes, ô victimes de l’amour du prochain. Vous n’hésitez pas à couvrir toute sorte de risques ; vous affrontez la mort jusque dans le centre de son empire, pour sauver ceux de vos confrères que la main du Seigneur a frappés. C’est aux dépens de vos jours que vous voudriez sauver les leurs. Tout cela est encore trop peu pour un zèle qui ne se borne pas à une vie qu’il faut perdre tôt ou tard. Vous consolez vos frères dans leurs afflic-tions et leurs peines intérieures. Vous les soutenez contre les efforts redoublés de l’ennemi du salut acharné à leur perte. Vous affermissez leurs pas chancelants dans la route pénible que le Seigneur leur a tracée. Combien de rétractations édifiantes n’ont pas obtenues votre bon exemple, vos prières assidues, vos exhortations pathétiques ? Combien, sans votre secours, seraient la proie de ces feux terribles, allumés par la justice d’un Dieu vengeur pour punir éternellement les hérétiques, les schismatiques, les apostats et ceux qui n’auront pas manifesté leur foi par des œuvres qui répondissent à la sainteté du ministère auguste dont ils étaient revêtus ? Combien de victimes n’avez-vous pas arrachées au gouffre infernal qui s’ouvrait pour les engloutir ? Quelle grâce privilégiée pour ces prêtres qu’un serment criminel avait séparé de l’Eglise, ou dont la foi était morte, de trouver en vous des anges tutélaires qui les remettent dans une voie qu’ils n’auraient pas dû abandonner ? Ah ! ils doivent (17) regarder leur déportation comme une faveur insigne de la divine miséricorde. Mais malgré vos soins et votre attention, il faut que les décrets éternels soient accomplis. L’iniquité comme un torrent avait inondé toute la France. Depuis le cèdre jusqu’à l’hysope, tous avaient corrompu leurs voies. Le Souverain Maître ne sera point miséricordieux aux dépens de la justice. Cette justice sévère a été outragée par les crimes les plus abominables, par mille et mille horribles sacrilèges. Elle exige une ample réparation. Elle veut des victimes dignes d’elle et en grand nombre ; et voilà que l’ange exterminateur frappe coup sur coup sans distinction d’infirmiers ou d’infirmes. Le signe fatal de la mort d’un prêtre s’élève de la barque, huit, dix et jusqu’à douze fois par jour, pour appeler des fossoyeurs. Des prêtres étaient contraints de rendre ces derniers et tristes devoirs à la dépouille mortelle de leurs chers confrères. La charité sacerdotale trouvait des consolations bien douces dans cette contrainte. Très souvent après avoir travaillé pendant tout le jour - ce qui arrivait lorsque le nombre des morts était considérable - jusqu’à un total épuisement, ils étaient renfermés dans un corps de garde, pendant que leurs barbares conducteurs se livraient aux excès de la crapule et de la débauche. Ils étaient ensuite, ces malheureux prêtres, conduits de nuit à bord du vaisseau et presque à jeun. Ils étaient réduits à chercher à tâtons leurs places et étaient obligés pour y parvenir de marcher comme les animaux avec les orteils et les pouces seule-ment, pour ne pas écraser leurs confrères étendus pèle mêle. Ils n’avaient pas d’autres moyens pour réparer leurs forces, se sécher lorsqu’ils avaient souffert de la pluie et se remettre de leurs fatigues. Combien de fois n’ont-ils pas vu le sabre levé sur leur tête ; combien de fois n’a-t-il pas été question de les jeter à la mer, lorsque le temps orageux faisait péricliter le canot (18) qui les portait. Ah ! sensibles lecteurs, quels doivent être vos sentiments en lisant ceci ? de pitié, d’horreur, d’indignation, sans doute. Accoutumés et pour ainsi dire familiarisés avec un si effrayant spectacle, nos yeux ne versent plus de larmes, elles paraissent taries. Un silence morne, stupide et lugubre a pris la place des doux épanchements par lesquels nous confondions nos douleurs en nous consolant mutuel-lement. Un poids immense que nous ne saurions définir pèse de toutes ses forces sur notre cœur navré et défaillant. Absorbés et écrasés sous le poids de l’affliction la plus sombre, nous ressemblons à des statues, à des automates qui ne sentent rien. La joie brutale que font(19) éclater, à la vue de ces morts fréquentes, les tigres à la fureur desquels nous sommes livrés, ne fait plus d’impression sur nous. Dieu infiniment saint, que la profondeur de vos jugements est incompréhensible ! Que l’épreuve où vous nous mettez est douloureuse ! Nous ne sommes plus hélas qu’un tiers (20) de ce que nous étions. Je suis maintenant le seul de mon diocèse, et il n’y a qu’un mo-(21) ment que j’y comptais dix neuf confrères. Ces chers confrères qui sous le même pontife travaillaient avec moi au saint ministère, ne sont plus. Je les ai vu tomber à mes côtés les (22) uns après les autres. Ils ont combattu jusqu’à la fin. Ah ! ils ont reçu la récompense due à leurs travaux. Ils ont été ainsi que l’or dans le creuset, purifiés par le feu de la persécution et en sont sortis mûrs pour la bienheureuse éternité. Dieu a couronné ses dons en les revêtant de la lumière de gloire. Il les a appelés et ils se sont hâtés d’aller chanter ses louanges avec les esprits bienheureux. Ô mes chers amis ! Ô mes chers confrères ! vous ravissez le ciel. Vous buvez maintenant à longs traits, dans les fontaines de vie, ces joies pures et inexprimables que le cœur de l’homme n’a jamais comprises ici-bas. Et moi, misérable accablé sous le poids de ce corps de mort, je traîne encore les chaînes qui me tiennent captif dans la prison triste où je suis relégué et exilé dans cette vallée de misère et d’horreur, j’erre sans cesse en but à des tempêtes toutes plus orageuses les unes que les autres. Et vous, mon cher JOBIER, l’ami de mon cœur, vous que j’ai chéri au dessus de tous, (23) vous abandonnez donc un malheureux ami, dont vous étiez toute la consolation. Ah ! cher et digne ami, les larmes m’offusquent, elles souillent le papier sur lequel j’écris. Ah ! malheu-reux que je suis. Que ne m’est-il permis d’aller sur ce tombeau pour y répandre à pleines mains des fleurs arrosées de mes larmes, pour y pousser de lugubres gémissements, jusqu’à ce qu’enfin la mort fermant mes yeux à tous les objets périssables, je puisse me réunir dans le sein de mon Dieu, à cet ami avec lequel j’étais uni par les liens de l’amitié la plus pure, la plus désintéressée, et dont la religion était la base. Mais où m’égare ma sensibilité ! Ô nature fragile ! Dieu tout puissant, venez au secours de votre faible ministre. Ne vous offensez pas de mes larmes. Elles ne me porteront jamais à murmurer contre la main qui me frappe. Je la bénirai, au contraire cette main paternelle, et toujours je serai persuadé que dans les consolations que j’ai éprouvées, lors de mes entretiens avec ce parfait ami, il n’était que l’instrument dont vous vous serviez. Oui, Dieu de bonté, c’est vous qui remplissiez mon âme de ces consolations qui m’on été si utiles pour m’aider à porter avec soumission la croix que vous m’avez imposée. Ce que vous avez pu faire d’une manière, vous pouvez le faire de mille. Je m’abandonne entièrement à votre adorable provi-dence. Vous savez mieux ce qu’il me faut que moi-même : ainsi que ma volonté ne s’accom-plisse pas, mais la vôtre. J’espère, ô mon Dieu, que votre sainte grâce dirigera toutes mes actions et viendra à mon secours pour me faire accomplir la résolution que je forme de n’avoir désormais d’autre volonté que la vôtre. Je sais bien, et je l’écris en gémissant que l’abus que j’ai fait de vos grâces m’en rend indigne. Mais vous ne rejetterez pas, ô le meilleur de tous les pères, un cœur contrit et humilié. Pardonnez aussi, mes chers lecteurs. Ah si vous aviez connu l’excellent ami dont je (24) déplore la perte… Mais du moins vous n’ignorez pas ce qu’est un véritable ami, et c’en est assez pour moi et j’espère que vous me pardonnerez cette longue digression, je me hâte de reprendre ma tâche. Isle heureuse et privilégiée qui par vos fortifications défendez nos côtes de l’invasion de l’ennemi, vous êtes petite à la vérité, mais que votre réputation sera étendue ! Chacun célè-brera par des cantiques d’allégresse le triomphe glorieux des saints martyrs dont vous (25) possédez les précieuses dépouilles. Toutes les nations viendront réclamer avec confiance, dans leurs pressants besoins l’intercession de si puissants protecteurs auprès de Dieu. Ne peut-il pas même arriver que dans votre enceinte, un temple auguste soit élevé à la gloire du Très-haut, sous l’invocation de ces généreux défenseurs de la foi ? Et alors, isle fortunée de quel éclat ne brillerez-vous pas ! Méritez par un retour sincère vers votre Dieu, par une pénitence salutaire qui vous purifie de vos erreurs passées, méritez un bonheur que je vous souhaite bien sincèrement et que j’ai espéré de l’infinie miséricorde de celui qui prend plaisir à glorifier ses élus. Mais cependant paraît à mes yeux étonnés un spectacle qui glace de terreur. Généreux athlètes vous n’êtes pas à la fin de vos combats. Les vents mugissent avec un bruit épouvantable. Le navire agité par leurs secousses fait entendre de longs gémissements. Les vents du nord sont déchaînés. Ils soufflent avec une impétuosité qui fait frémir. On craint que le câble ne rompe. Nous ne sommes qu’au milieu de l’automne et voilà l’hiver avec ses rigueurs, ses glaces, (26) ses frimas. Les éléments sont donc tous conjurés contre nous, tristes victimes d’une persécu-tion qui n’a point eu d’exemple. Accablés de mille fléaux divers, il manquait encore celui là pour la perfection de votre couronne. Ô spectacle affreux ! Je vois des prêtres (27) vénérables pouvoir à peine, avec des dents très malades, prendre la nourriture qui leur est présentée. Je vois leurs membres se roidir, un froid pénétrant et glacé aller au travers de leurs habits en lambeaux et chargés de vermine, jusqu’à la moelle de leurs os, y détruire un (28) reste de chaleur qui les soutenait encore un peu. Levez-vous, Dieu éternel et tout puissant qui gouvernez par des lois sages les cieux, la terre et les mers et qui accordez quand il vous plait la victoire à vos serviteurs. Levez-vous et venez ranimer nos forces défaillantes afin que nos féroces persécuteurs qui se réjouissent, en croyant notre mort prochaine, apprennent qu’il y a un Dieu et que quand il est pour nous et avec nous, nous sommes supérieurs aux attaques des puissances infernales et de leurs indignes suppôts. Soyez apaisé, Dieu infiniment saint à la vue du martyre long et cruel que nous avons souffert. Justice sévère de mon Dieu, justice infiniment adorable et que nous ne connaissions pas assez, soyez aussi apaisée à la vue de ce grand nombre de victimes immolées pour vous satisfaire. Que votre religion sainte, ô Dieu tout puissant, revienne triomphante nous procurer cette paix que nous désirons si ardemment. Paix durable, paix inaltérable qui doit être notre consolation dans les adversités, les épreuves et les croix dont notre triste carrière est parsemée. Paix que le monde ne peut donner et qui seule nous rendra dignes de paraître un jour avec confiance de-vant le Fils de l’homme. C’est ce que j’écrivais, le corps malade, à bord d’un vaisseau horriblement secoué par les flots d’un élément perfide que les vents en fureur soulevaient contre nous.
(Ps 43, 27) « Debout, Seigneur, aide-nous »
N o t e s
(1) Description Cette description est la traduction libre des vers latins. On s’est permis d’ajouter quelques circonstances, quelques liaisons, quelques réflexions qui ne sont pas dans le latin. On a détaillé un peu plus quelques faits : il y en a même quelques uns qui ont été ajoutés, mais il s’en faut bien qu’on ait tout dit. Le détail de ce que nous avons souffert en route, le supplice d’un prêtre innocent condamné à mort et exécuté sous nos yeux, le vol détaillé de nos effets. L’indécence qui a accompagné ce vol, l’indécence encore plus brutale exercée contre les corps de nos confrères décédés, etc. sont autant de descriptions que quelques lecteurs auraient été peut-être bien aises d’avoir sous les yeux ; mais outre la prudence et la charité qui ont été nos guides, cela aurait mené trop loin. Il est même à propos de ne pas épuiser un sujet, et le plus grand nombre des lecteurs est, je pense, plus flatté quand on laisse quelque chose à ses réflexions. (2) A la mort. Les premières paroles que nous entendîmes à notre arrivée au Borée, vaisseau à trois points qui était à la rade de Rochefort sont celles-ci : « Scélérats, brigands. Il faut avoir une vertu plus qu’humaine pour vous laisser subsister. » On tient du capitaine des Deux Associés où l’on nous emprisonna, à la sortie du Borée, où nous ne demeurâmes que le temps nécessaire aux pirates pour s’emparer de nos livres et de notre argent (les Deux Associés et le Washin-gton devaient piller le reste de nos effets comme linge, habits etc. et suppléer aux recherches du Borée, ne laissant presque rien à faire aux matelots et aux mousses qui malgré cela ne laissèrent pas de glaner) on tient, dis-je de ce capitaine, et on a su d’ailleurs que le projet de nos persécuteurs était de se défaire des prêtres déportés lorsqu’on serait en pleine mer. Dieu n’a pas permis l’exécution de cet horrible complot. (3) Maisons de réclusions. Voici ce qui m’est personnel. J’ai été chassé de mon presbytère le 10 avril 1791. J’ai erré aux environs de ma paroisse, vivant des charités de plusieurs personnes jusqu’au 20 septembre 1792, mon respectable Pontife ne voulant pas que je m’écartasse afin d’être utile à ceux de mes paroissiens qui voudraient avoir recours à moi. A cette époque je fus mis en réclusion à Moulins, chef-lieu de mon département, d’abord aux Augustins, ensuite à Sainte Claire, Observez, je vous prie, que ne me rendis à la maison de réclusion qu’afin de n’être pas dépor-té. Car il était expressément marqué que ceux qui refuseraient de se rendre au chef-lieu de leur département, seraient saisis par tout où on les trouverait et conduits de brigade en brigade jusqu’au port le plus proche pour être, de là, déportés à la Guyane. J’ai séjourné dans la maison de réclusion sans aucune communication avec le dehors jusqu’au 25 novembre 1793, jour auquel on m’a entraîné à la déportation sans savoir pourquoi. Tout ce que je sais, c’est que j’étais sexagénaire et infirme. Fiez-vous ensuite à la loyauté de la Nation. Mes confrères n’ont pas mieux été traités que moi. Ayant vu arriver au vaisseau où j’étais, des prêtres de mon dé-partement, dont un était âgé de 77 ans, trois de 75 et un grand nombre au-dessus de 60, il ne me convient pas de me plaindre. (4) La déportation. C’était fait de nous si le capitaine eut continué sa route. Nous devions tous boire à la grande tasse, pour me servir de la grossière expression de nos cruels ennemis ; mais par une bonté de la divine providence que nous ne saurions trop reconnaître, les anglais qui croisaient conti-nuellement sur ces parages, obligèrent notre capitaine qui craignait la perte de son vaisseau, à jeter l’ancre à la rade le l’isle d’Aix. Tel fut le terme de notre déportation, en sorte que n’étant pas sorti de France, on n’a pu dans la rigueur nous mettre au rang des déportés ni des émigrés. Conséquemment, ceux qui ont vendu à l’encan tout ce qui m’appartenait, n’ont pu s’autoriser d’aucune loi. Je me trompe : ils avaient pour eux la loi du plus fort, et personne n’ignore que où force domine, raison n’a pas lieu. Mes chers confrères ayant subi un pareil traitement (au moins pour le plus grand nombre : car il s’en est trouvé plusieurs qui plus avisés que moi et ne se fiant pas à la loyauté de la Nation, ont confié à des mains fidèles, la meilleure partie de leurs effets), il faut se soumettre et se taire, car se plaindre serait un crime peut-être digne de mort. Qu’en saint-on ? (5) Petite isle. L’isle d’Aix à l’embouchure de la Charente à trois lieues au couchant de Rochefort, entre les isles de Ré au nord-ouest et l’isle d’Oléron au sud-ouest. (6) La cruauté. Ceci est arrivé plusieurs fois sur le vaisseau des Deux Associés, où j’étais. Je n’avais que treize pouces de largeur pour me coucher. J’ignore si on a exercé la même barbarie sur les autres vaisseaux. Au reste, il est inutile d’observer que lorsque la mort eut immolé un grand nombre de nos confrères et que nos persécuteurs n’eurent plus de quoi remplir les places vides, nous fûmes alors moins pressés. (7) Vils aliments. Ces fèves noires appelées par les marins gourganes étaient en caisse ainsi que le biscuit, le salé et la morue depuis de longues années, et par conséquent tout était gâté, moisi ou pourri. Ceux qui se plaignaient étaient mis aux fers. (8) Mousses. Les mousses sont de jeunes apprentis au dessous des matelots, et qui les aident dans la manœuvre.
(9) Chaleur suffocante. Nous sommes restés à bord de plusieurs vaisseaux depuis la fin de mars 1794, jusqu’au commencement de février 1795, ainsi nous avons souffert les feux de la canicule et les rigueurs de l’hiver, nous mangions ordinairement sur le tillac, il faisait trop obscur dans l’entrepont, d’ailleurs le capitaine, suivant que la fantaisie le prenait, défendait d’y manger. (10) Aux fers. Il y en a même qui ont été menacés de la fusillade en cas de récidive. (11) La chaloupe. Une chaloupe est un petit bâtiment qui va à rames, quelquefois à rames et à voiles. Il n’a point de pont et est amarré au vaisseau quand on ne s’en sert pas. (12) Barque. Barque de transport qui a un mât et un entrepont. On l’appelle en terme de marine, Goualette ou Goélette. Quand elle est destinée à approvisionner les vaisseaux on l’appelle Chatte. Cette barque n’étant pas suffisante pour contenir tous les malades, on en dressa une seconde qui fut bientôt aussi pleine que la première. Ce qui obligea nos ennemis de transporter les malades au fort Wasow sous des tentes. Plusieurs prêtres sont morts dans la traversée du vaisseau à la goualette, quoique le trajet ne fut pas de demie lieue. On en voit facilement la raison, plu-sieurs ont attendu dans la chaloupe plus de trois heures en attendant que la marée fut favo-rable. On laisse à juger combien était douloureuse et triste une pareille situation. (13) On le hisse. Hisser en terme de mer, c’est élever en l’air, par le moyen de poulies et des mousses. (14) Barque de mort. Un de nos confrères (c’était mon cher ami JOBIER) appelait plaisamment cette barque, le vestibule de l’isle d’Aix, parce que les morts étaient enterrés dans cette isle. Comme il ne survécu pas un cinquantième de ceux qui furent transportés dans cette barque, il avait raison et il ne croyait pas confirmer si tôt cette preuve par son exemple. Car quelques jours après il fut conduit dans cette barque et moins de deux jours suffirent pour le priver de la vie. (15) Sans remèdes. Cela est arrivé avant qu’on se fut avisé de forcer les prêtres sains à se rendre à l’hôpital pour avoir soin des malades. Un, entre autres, est demeuré dix jours et dix nuits étendu sur une planche nue et dans l’ordure sans qu’on lui ait offert une goutte d’eau. Il mourut enfin, mais dans les sentiments de la plus édifiante résignation. Nous sommes fondés à regarder cette mort comme très précieuse devant Dieu. On a recueilli les dernières paroles de ce bon prêtre, les voici : « Nous sommes les plus malheureux des hommes, mais nous sommes les plus heureux de tous les chrétiens. » (16) Le roulis. Le roulis est le vacillement du vaisseau occasionné par le vent et la marée. Si le mouvement se fait d’un bord à l’autre, il retient le nom de roulis, s’il se fait de la proue à la poupe, il s’appelle tangage, plus dangereux, dit-on, que le roulis. Le vacillement de la goualette qui n’était fixée que par une petite ancre, était bien plus considérable que celui du vaisseau. Jugez quelle devait être la situation des malades entassés les uns sur les autres. (17) Anges tutélaires. Il est arrivé à cette occasion une anecdote trop édifiante pour l’omettre. Un prêtre du dépar-tement de l’Allier (voyez son nom n° 58 du tableau particulier) était depuis quelques jours infirme à l’hôpital. (L’air n’était pas encore aussi pestilentiel, qu’il le fut trois semaines après). Il entendit un jour à quelques pas de lui une voix lamentable. « Hélas, disait-on, n’y aurait-il pas quelque confrère charitable qui voulût me réconcilier avec mon Dieu. Je suis sur le point de paraître à son tribunal redoutable. » A cette voix, ce prêtre zélé se traîne de son mieux, parce qu’il était extrêmement faible, auprès du moribond. N’oubliez pas lecteurs, qu’il ne fallait se servir que des orteils et des pouces pour marcher. Il le confesse, l’exhorte, lui applique l’indulgence plénière, fait les prières de la recommandation de l’âme, ensuite se retire à l’endroit d’où il était venu et rend le dernier soupir. Son confrère qui craignait de mourir avant de s’être réconcilié lui survécut d’un quart d’heure environ. On peut bien dire de ce prêtre zélé qu’il est mort les armes à la main. La mort l’ayant ravi dans l’exercice de ses fonctions. Que d’autres anecdotes édifiantes n’aurais-je pas à vous offrir mes chers lecteurs, mais cela m’écarterait trop de mon sujet. (18) Le canot. Le canot est le plus petit des bâtiments de mer, il y en a ordinairement deux qui sont amarrés au vaisseau quand on ne s’en sert pas. Ils n’ont point de mâts et vont seulement à rames. Ceux des matelots qui sont destinés à la conduite des canots se nomment canotiers, comme aussi on nomme chaloupiers ceux qui conduisent la chaloupe. (19) La joie barbare. Voici quelques anecdotes, car ce serait être trop diffus que de vouloir tout rapporter, lesquels ne laisseront aucun doute sur les intentions sanguinaires de nos bourreaux . 1° ) Deux frères s’aimaient tendrement et ne se quittaient guère. Un d’eux tombe malade et sur le champ est transporté à l’hôpital. Son frère supplie le capitaine de permettre qu’il soit infirmier. Son intention était de rendre à un frère chéri tous les services dont il était capable. On acquiesce à sa demande, mais par un raffinement de barbarie, on l’envoie infirmier dans le second hôpital qui venait d’être dressé et où n’était pas son frère. Ces deux bons prêtres mou-rurent bientôt et n’eurent pas la consolation de confondre leurs derniers soupirs. 2° ) Un prêtre s’était blessé au doigt avec un fer apparemment malpropre et tout rouillé. Il souffrait des douleurs très aigües. Il s’adressa au chirurgien pour avoir du soulagement. Je t’aurai bientôt guéri, lui dit le bourreau, le doigt ne te fera plus de mal. Il réussit, car il lui coupa le doigt. Ce prêtre a survécu à cet indigne traitement. Il est du diocèse de Quimper et se nomme JONCOURT. 3° ) Il prit un jour envie au même chirurgien de visiter les malades de l’hôpital. C’était un jeune homme de 18 ans qui avait pour tout remède de la racine de chiendent et de l’émétique. L’infection le fit demeurer sur le tillac, il s’approche de l’écoutille et ordonne l’émétique pour douze prêtres. Ils furent malheureusement trop fidèles à l’ordonnance. Bien leur prit de s’être disposés au sacrifice de leur vie. Ils moururent tous en moins de deux jours. Cela n’est pas étonnant, ils furent privés d’eau. 4° ) Le capitaine du Washington vint un jour voir le nôtre. Nous étions à bord des Deux As-sociés. La conversation qu’ils eurent ensemble fera connaître leur humanité. Je ne la rapporte pas peut être bien exactement quant aux paroles dont ils se servirent, mais le sens est le même. J’omets à dessein les termes indécents et blasphématoires. – « Was. Bonjour, camarade, comment accommodes-tu tes brigands ? - 2 Ass. Il n’y a point de jour où la mort ne me délivre de quelqu’un. Quelque fois il en meurt deux, rarement trois. - Was. Tu n’y entends goutte et si tu continues tu risques de garder longtemps cette f… cargaison. – 2 Ass. Que faut-il donc faire ? – Was. Que ne fais-tu comme moi ? Que ne les fumes-tu comme des renards dans leurs terriers, aussi les menai-je bon train. – 2 Ass. Tu as plus d’esprit que moi, cama-rade, je ne m’avisais pas de ce moyen, je te promets de faire cette expérience au plutôt. » En effet, depuis cette conversation, la fumigation fut doublée dans notre vaisseau et les vœux de notre barbare capitaine furent exaucés au-delà de ses espérances. 5° ) Dans le courant du mois de juillet 1794, notre capitaine fatigué, disait-il, de voir tant de morts, engagea les déportés à faire une pétition au tribunal révolutionnaire de Rochefort, afin d’obtenir d’être mis à terre. La pétition signée de 19 prêtres lui est présentée, il la lit, mais ne trouvant pas son humanité à notre égard assez exaltée, il déchire la pétition en mille pièces et condamne les 19 signataires aux fers pour 15 jours. Cette condamnation comportait privation de vin. Ces prêtres innocents furent donc attachés deux à deux, le pied droit de l’un avec le pied gauche de l’autre, en sorte que l’un ne pouvait faire un pas que l’autre ne fut obligé de faire de même, encore aurait-il fallu qu’une seule âme eut animé les deux corps, afin que le mouvement imprimé aux deux jambes s’exécutât dans le même instant indivisible. Avant la fin du mois d’Août, à peine restait un ou deux des signataires vivants. Comme les fers étaient fort rouillés et très malpropres, il est à croire que l’écorchure des pieds et des jambes fut sui-vie de la gangrène. Je ne pousserai pas plus loin ce détail, ceci doit suffire. Maintenant, chers lecteurs, si un petit nombre de déportés a survécu à tant de mauvais traitements, n’est-ce pas un miracle de la divine providence à notre égard ? (20) Qu’un tiers. Il est mort 542 ecclésiastiques sur 829 que nous étions de 35 départements. Voyez ci-après le tableau général. (21) Le seul. La triste circonstance où je me trouvais me rappella ces messagers qui vinrent coup sur coup annoncer à Job les malheurs dont Dieu l’avait affligé. Lors de mon retour dans mon diocèse, me disais-je à moi-même, si c’est la volonté du Seigneur que j’y retourne, je n’aurai d’autre réponse à faire à ceux qui m’interrogeront sur le sort de mes confrères, que celle des messa-gers de Job . «Je me suis échappé seul pour vous en dire des nouvelles. » Le premier de mes confrères qui mourut s’appelait Giraud, sa mort est du 4 Mai 1794. Le dernier qui mourut s’appelait Moutet. Sa mort est du 27 septembre 1794. Ce qu’il y a de singulier est que le premier était curé de Vichi et le second était son vicaire. (22) Le même Pontife. Monsieur de Bonal Evêque de Clermont. (23) Jobier. Pierre Jobier, Prieur-curé de Voussac, diocèse de Bourges était natif d’Aisnai le Château même diocèse. Il fut déporté malgré une infirmité qui l’exemptait au jugement de tous les officiers de santé. Il était dans la 58ème année de son âge lorsqu’il mourut. Sa mort arriva le 14 Août 1794. Comme il avait une grande dévotion à la Ste Vierge, cette reine du ciel obtint à son serviteur la grâce d’aller célébrer dans le séjour des bienheureux la fête de sa triomphante Assomption. (24) L’excellent ami. Qu’il me soit permis de consigner les dernières paroles de ce digne confrère. Ce sont au moins les dernières que j’ai entendues de sa bouche. « Mon ami, si on a vendu ton mobilier (car dans le temps malheureux où nous sommes, il faut s’attendre à ce qu’il y a de plus fâcheux) que cela ne t’attriste pas. Avant que de me rendre à la réclusion, j’ai eu soin de placer tout mon mobilier entre des mains sûres et je suis moralement certain que le tout me sera remis si jamais la liberté nous est rendue. J’ai huit lits complets, je t’en cèderai quatre. J’ai au blan-chissage cinq pièces de toile, chacune d’environ cinquante à soixante aunes, nous partagerons. J’ai plus de meubles qu’il ne faut pour meubler quatre presbytères comme le tien ; lorsque nous aurons notre liberté, nous partirons ensemble. Je te laisserai à Voussac et j’irai passer trois semaines dans ton bénéfice. Quand je l’aurai mis en état, je viendrai te chercher, nous passerons ensuite une quinzaine ensemble tantôt chez moi, tantôt chez toi et cela au moins trois fois l’année ». Dieu en a disposé autrement. Que sa volonté soit faire et non pas la mienne. Ce bon maître sait mieux ce qu’il nous faut que nous-mêmes. J’ai aujourd’hui en mon ami Jobier un charitable intercesseur et c’est à quoi je ne pensais pas, lorsque je le possédais dans cette vallée de misères. Encore une fois, Dieu sait mieux ce qu’il nous faut que nous-mêmes. (25) Dont vous possédez. L’isle d’Aix n’est pas le seul endroit où reposent les corps de nos confrères, un certain nom-bre est enterré à l’isle Madame (en langage révolutionnaire, isle citoyenne) d’autres sont enterrés au fort Wasow (Vaseuv), il y a bien quelques autres endroits dont je ne fais pas mention, parce que aucun des nôtres, c’est à dire, du département de l’Allier, n’y a été enterré. L’isle Madame n’est à parler exactement qu’une presqu’isle, car lorsque la marée est basse, on peut aller à pied au port des unités qui est en terre ferme aussi bien que le fort Wasow. (26) De l’automne. Nous étions au commencement de Novembre 1794. Ce n’est pas pour nous que craignaient nos féroces persécuteurs. C’était pour eux-mêmes, car si la violence de la tempête avait rom-pu le câble, le vent les aurait emportés aussi bien que nous contre le premier écueil où le vaisseau se serait brisé. (27) Je vois des Prêtres. Le déplorable état de l’un deux fit sur moi une vive impression. Dans le courant de Décembre 1794, je me trouvais sur le tillac, vis à vis de ce malheureux confrère. Ses mains gelées par le froid avaient perdu le mouvement naturel ; il ne pouvait plus s’en aider. Il était couvert d’or-dure et de vermine, il était âgé de 72 ans et versait des larmes amères. « Ah ! ma pauvre sœur disait-il en sanglotant, je ne vous reverrai plus. Il est heureux pour vous de ne pas être témoin de l’état où je suis réduit. Votre cœur n’y tiendrait pas. » La conformité de notre situation remplissait mon esprit des souvenirs les plus déchirants et mon cœur des sentiments de la commisération la plus affectueuse. Je m’approchais de ce cher confrère, je l’embrassais et lui témoignais toute la part que je prenais à sa situation. « Quel âge, lui dis-je, mon cher confrère, a cette sœur chérie qui occasionne vos regrets ? Vous me rappelez que j’en ai une en Bour-gogne que j’aime tendrement et qui me paye bien de retour. Hélas ! Selon les apparences, je ne la reverrai jamais ici-bas. Car quand je retournerai à mon presbytère en supposant que la liberté nous fut rendue, et que je survécusse à mes chers confrères (deux suppositions bien problématiques), je serais encore éloigné de cette tendre amie de plus de quarante lieues. Comment dépouillé de tout, vieux, infirme, pourrais-je parcourir l’espace de 80 lieues. Il y a donc une grande probabilité que nous ne nous reverrons que dans le ciel. Dans la situation où nous nous trouvons aujourd’hui, rien de ce qui est créé ne doit nous occuper. Nos chers con-frères nous disent de l’isle d’Aix que vous voyez devant vous : « Hier c’était mon tour, au-jourd’hui c’est le tien. » Ne songeons donc qu’à nous préparer à la mort, et recevons-la en expiation de nos péchés. » Ce malheureux confrère me dit que sa sœur avait 69 ans, qu’il était éloigné d’elle de plus de 200 lieues, étant de la Lorraine. Dans les circonstances où je me trouvais, j’avais autant besoin de consolation que ce bon prêtre. J’étais dans un état des plus déplorables, ce qu’il m’avait dit de sa sœur avait pénétré mon cœur de la plus vive sensibilité en me rappelant le souvenir de ma chère et tendre Gabrielle. Je fis pourtant un effort sur moi-même : je cachais mes larmes et n’épargnais rien pour consoler ce malheureux confrère. J’eus la satisfaction de le réconcilier avec son Dieu. Je le disposais à la mort. Elle arriva deux jours après. Le froid et la vermine l’avaient tué. Mon tour viendra bien tôt me dis-je alors à moi-même, et je renouvelais le sacrifice de ma vie, ce que j’avais coutume de faire plusieurs fois par jour depuis longtemps car j’attendais ma dernière heure à chaque moment. (28) Vermine. Un lecteur délicat trouvera cette image dégoûtante peut-être trop répétée. Mais je ne saurais trop pénétrer ceux et celles qui liront ceci de l’horreur de notre situation. Qu’on fasse atten-tion qu’un grand nombre d’entre nous, d’une naissance distinguée, jouissait d’une fortune brillante et occupait les places les plus capables de fixer l’ambition. Qu’on compare cette aisance, cette pauvreté, avec l’affreux état où nous étions réduits et qu’on décide ensuite si une mort prompte n’était pas préférable, à regarder les choses naturellement, au long martyre que nous avons enduré. Je joins à ces notes, trois pièces de vers qui sont analogues aux maux que nous avons souffert. La troisième peut se chanter sur l’air : « Adorons tous ce mystère ineffable », je crois que les lecteurs les liront avec plaisir.
Stances d’une amie gémissante sur les maux qui affligent l’église :
Seigneur, Dieu tout puissant, protecteur de nos pères ; Daignez être sensible à la voix de nos pleurs. Ecoutez les regrets et les plaintes amères, Qui déchirent nos cœurs.
Vos ennemis cruels ont de votre héritage Profané la décence et brisé vos autels. Vos temples sont livrés aux fureurs, à la rage Des perfides mortels.
De vos saints égorgés, privés de sépulture Restent abandonnés les cadavres sanglants : Des loups ils sont la proie, ou servent de pâture Aux oiseaux dévorants.
La terre offre en tous lieux des traces de leurs crimes, Et du sang répandu nos murs ensanglantés Ne présentent partout que de tristes victimes Aux yeux épouvantés
Hélas ! de nos forfaits, telle est la juste peine : Les crimes trop nombreux que nous avons commis, Ont attiré sur nous les fureurs et la haine De nos fiers ennemis.
Jusques à quand Seigneur de votre bras sévère, Nous ferez-vous sentir les redoutables coups ? Eteignez dans nos pleurs les feux d’une colère Qui nous accable tous.
Ah ! Laissez-vous toucher et si votre vengeance Doit tomber sans pitié sur quelque nation, Frappez celle qui joint un blasphème à l’offense L’abomination.
Frappez ce peuple ingrat dont la barbare joie Insulte en frémissant aux restes d’Israël : Et qui regarde encore comme une juste proie Les dons de votre autel.
Mais pour nous vos enfants, ah ! soyez nous propice, Et détournez les yeux de nos iniquités : Rendez-nous votre grâce et qu’à votre justice Succèdent vos bontés.
Tendez à votre peuple une main secourable Car ce n’est qu’en vous seul qu’il place son appui : Puisse de notre espoir une paix secourable Etre bientôt le fruit.
Ils se flattent déjà, ces hommes téméraires, Que vous êtres contre eux un Dieu faible, impuissant ; Et que nous vous offrons dans nos vaines prières Un ridicule encens. Levez-vous donc, Seigneur, et faites leur connaître L’invincible pouvoir de votre divin bras : Qu’ils apprennent enfin qu’en vous ils ont un maître Qu’ils ne connaissaient pas.
Que la voix de ce sang qu’ils viennent de répandre S’élève vers les cieux et monte jusqu’à vous : Nous osons l’espérer, vous daignerez entendre Ce qu’elle dit pour nous.
Brisez de leurs complots les trames criminelles, Et rendez impuissants les efforts de leurs bras, Si vous nous protégez, à l’ombre de vos ailes, Nous ne les craindrons pas.
Tour à tour le mépris, le blasphème, l’injure De leur haine envers nous sont les coupables traits ; A ces peuples cruels, rendez avec usure Les maux qu’ils nous ont faits.
Mais, non. Dans nous, Seigneur, ces vœux seraient coupables, Ah ! touchez-les plutôt et ramenez leurs cœurs, S’ils furent envers nous injustes, implacables, Qu’ils deviennent meilleurs.
Que de vos jugements la crainte salutaire Excite dans leur cœur le plus vif repentir, Ayez pour eux, Seigneur les entrailles d’un père, Et laissez-vous fléchir.
Alors tous de concert, à votre bienfaisance, Nous viendrons rendre hommage au pied de vos autels, Et nous célébrerons notre reconnaissance, Par des chants éternels.
Lettre d’une chanoinesse aux vers de Baillet, représentant du peuple qui, à Lyon en 1795, avait déclamé contre les prêtres :
On m’avait dit ton cœur juste, compatissant J’ai lu tes vers, Baillet, avec empressement. Je croyais y trouver, mais espoir trop frivole ! Ce style mesuré qui plait et qui console.
Sur nos malheurs présents tirant un voile épais, Il vient, disais-je il vient nous annoncer la paix Et sa voix réveillant les vertus, la justice, Rendra la force aux lois en foudroyant le vice.
D’un avenir heureux déployant le tableau Il nous enflammera d’un zèle tout nouveau Victimes jusqu’ici de funestes alarmes Nous lui devrons le jour qui tarira nos larmes.
Honnête, bienfaisant, il nous tendra la main Fera luire à nos yeux un avenir serein ; Et nos cœurs palpitants de joie et d’espérance Des douceurs de la paix, jouissant par avance.
Hélas ! loin de songer à charmer nos douleurs Tu sembles te livrer aux plus noires terreurs Tu vois rouvrir, dis-tu ces funestes abymes Où l’on vit s’engloutir victimes sur victimes
Des pontifes trompeurs, des prêtres dangereux, Se disant parmi nous interprètes des cieux ; Feront d’un souffle impur germer sur notre terre Les factions, la mort, le désordre et la guerre.
Veux-tu donc que toujours accablés sous nos maux, Nous ne trouvions de paix que celle des tombeaux Des pontifes le cœur serait-il si perfide ? Veulent-ils que l’on soit assassin, parricide ?
Que disent-ils enfin ? Que Dieu veut être aimé Qu’il venge tôt ou tard son saint nom blasphémé Qu’il a les yeux ouverts sur toute la nature, Pour protéger le juste et punir le parjure.
Que son bras maintenant appesanti sur nous A la fin suspendra ses redoutables coups Que c’est lui seul qui peut terminer nos misères Qu’il faut hâter ce jour par d’ardentes prières.
Recevoir de sa main et les biens et les maux, Et le solliciter même pour nos bourreaux Qu’il faut leur pardonner, comme Dieu nous pardonne, Nous abstenir du mal et n’offenser personne
Ce langage, Baillet, peut-il t’inquiéter ? Prier un Dieu de paix n’est pas se révolter Si pour nous secourir, Dieu lui-même s’avance Pourras-tu t’opposer à sa toute puissance ?
Sur tout autre ennemi, calme tes sens glacés Tes jours par les chrétiens ne sont point menacés Nous savons que Dieu veut, telle est notre devise De nos prêtres ne crains aucun soulèvement Souffre que l’on soit saint et juste impunément.
Cantique sur le martyre des prêtres du 18ème siècle
Revêtons-nous d’une force nouvelle : Chrétiens fervents, la gloire nous appelle, Le dragon infernal déchaîné contre nous, Vient pour nous égorger ou nous séduire tous.
Rien n’est sauvé pour ce monstre barbare, Il foule aux pieds le sceptre et la tiare Pillant les nations, assassinant les rois, Il s’abreuvent de sang, les crimes sont ses lois
Sous vos manteaux, philosophes impies, Ils s’élança de l’antre des furies, Se disant la lumière et promettant la paix, Il remplit l’univers d’erreurs et de forfaits.
Paris, Lyon, presque toutes nos villes, Tristes séjours des discordes civiles, Ont vu le sang chrétien rougir les échafauds, Et la philosophie a formé les bourreaux.
Tandis qu’au loin ses fourbes émissaires, Toujours suivis de hordes sanguinaires, Inspiraient leur délire aux peuples révoltés, Une trompeuse paix amusait nos cités.
Mais non jamais la faction impie N’assouvira sa sombre jalousie, Au nom seul de refus, son fiel est irrité Il faut des flots de sang à sa férocité.
Frémis, frémis, Dieu rit de ta folie, Et de tes traits, fausse philosophie, En nous faisant mourir, tu nous fais triompher, Jésus sait nous défendre, il sait nous couronner.
Quelques moments de souffrances légères Termineront nos maux et nos misères, Et nous habiterons l’immensité des cieux Nous verrons, ô Sion, ton séjour glorieux.
Auprès du ciel, qu’est cette triste terre, Séjour affreux d’une éternelle guerre, Nous y vivons captifs, jusqu’à ce que la mort En brisant nos liens, nous guide vers le port.
Heureuse mort qui nous immortalise, De tes douceurs, oui, notre âme est éprise Tu conduis aux vrais biens, à la gloire, au repos, Ne viendras-tu jamais finir nos tristes maux ?
Sur une croix je vois mon divin Maître, C’est en mourant qu’il nous a fait renaître, Ah ! mourons avec lui, pour naître dans les cieux ; Conquérons, il est temps, des trônes radieux.
Mais quoi, Seigneur, ma faiblesse est extrême, Pour vous servir, j’ai besoin de vous-même. Votre divin secours peut seul me soutenir, Daignez me l’accorder jusqu’au dernier soupir.
Pour la vengeance, ah, je vous l’abandonne, A mes bourreaux comme vous je pardonne Augmentez dans mon cœur le feu de charité, Qu’il fasse mon mérite et ma félicité.
Plaisirs mondains, vous causez trop d’alarmes, De tout mon cœur, je renonce à vos charmes. Des délices sans fin m’attendent dans les cieux Je vais jouir de Dieu, seul objet de mes vœux.
Vous avez cru, sophistes pleins de rage Que de mes biens je craignais le pillage, J’abandonne des biens qui ne sont pas pour moi, Je peux avoir sans eux le trésor de la foi.
Vos noirs cachots et vos pesantes chaînes Pour m’asservir, feront des forces vaines, Libre dans les liens, mille fois plus que vous, Un chrétien peut braver votre impuissant courroux.
Vous m’accablez de mépris et d’injures, Mais je chéris de pareilles censures. D’un Dieu crucifié je porterai les traits, Je suis trop honoré pour m’en plaindre jamais.
Frappez, bourreaux, montrez la tolérance, L’humanité, la rare bienfaisance De la philosophie et de ses nourrissons C’est sur des échafauds qu’ils donnent leur leçons.
Mais la mort prompte est trop digne d’envie, A nos Martyrs elle donne la vie . Vous mourrez lentement, Prêtres sur des vaisseaux, Savourant la douceur de nos sages nouveaux.
N’en doutez pas, dans ces prisons flottantes, Vous trouverez des douceurs ravissantes, Quand de tourments divers, les sens sont affligés, D’une sainte onction, les cœurs sont inondés.
Vainqueurs un jour de l’enfer et du monde, Le ciel pour vous s’ouvrira sur cette onde. Vous aurez expié par la captivité, Les crimes qu’enfanta la fausse liberté.
Suivons chrétiens de si parfaits modèles A nos devoirs soyons toujours fidèles. Ne craignons des méchants que la séduction, Mais ne craignons jamais leur persécution.
Par ses replis le dragon veut nous nuire Par cent détours, il cherche à nous séduire Professant l’athéisme, il commande un serment Quelle absurde fureur ! lui-même il se dément.
Confessons-le, nous sommes réfractaires, A des décrets impies, sanguinaires, Nous préférons d’un Dieu les saints commandements Nous les observerons et nous mourrons contents.
Je suis chrétien, et chrétien catholique L’impie seul m’appelle fanatique Fanatique lui-même en irréligion, Osant taxer la foi de superstition.
Sophistes vains, vous voulez méconnaître Le Dieu puissant qui va bientôt paraître, Pour juger vos forfaits devant tout l’univers, Ne l’entendez-vous pas qui tonne dans les airs.
Tremblez, tremblez assassins, parricides, Vos attentats vous rendent déicides ; Vos jours sont tous comptés et l’enfer va s’ouvrir Si vous ne changez pas, il va vous engloutir.
Oui, nous vivrons dans le christianisme Nous y mourrons et malgré l’athéisme, Jésus que nous servons, daignant nous pardonner Par une sainte mort nous fera triompher.
Reine du ciel, Marie immaculée, Secourez-nous et la France est sauvée, Accordez aux captifs votre intercession, Accordez-nous à tous la bénédiction.
Heureux martyrs qui régnez dans la gloire, En célébrant ici votre mémoire, Ah ! nous vous conjurons d’intercéder pour nous, Nos frères, nos amis, tirez-nous après vous.
Anges de Dieu, nos gardiens fidèles, Dans nos combats, couvrez-nous de vos ailes. Terrassez les démons auteurs de tant de maux Et délivrez Sion de ces cruels fléaux.
Vive Jésus, que tout ce qui respire S’assujettisse à son aimable empire, Qu’il règne dans nos cœurs, qu’il règne par sa croix, Qu’en tout temps, en tout lieu, tous observent ses lois.
C O N C L U S I O N
Les notes précédentes ont été séparées de la traduction, pour ne pas en interrompre la lecture. Elles servent, non seulement pour l’intelligence de plusieurs endroits, ainsi qu’il a été dit, mais encore pour la satisfaction des lecteurs et pour y insérer certains faits dont la description soit latine, soit française, ne parle pas. Dans l’asile que le Seigneur m’a préparé dans sa miséricorde et où je suis caché depuis longtemps, j’ai eu bien des secours et bien des renseignements dont j’ai profité. En conséquence j’ai corrigé plusieurs fautes dans les vers latins. Il sont augmentés d’un tiers. J’ai perfectionné la description française. J’ai augmenté considérablement les autres enfin je n’ai rien oublié pour mettre le tout dans le meilleur état possible. La note troisième contient ce qui m’est personnel depuis mon expulsion du bénéfice à charge d’âmes dont j’étais possesseur depuis quinze ans, jusqu’à mon arrivée dans le vaisseau. L’avertissement qui précède la traduction française instruit les lecteurs de l’accueil que je reçus de la généreuse ville de Saintes. Il me reste à ajouter que la liberté m’ayant été rendue le 5 avril 1795, je demeurai à Saintes environ quinze jours, je les employai à remplir les devoirs que la reconnaissance m’imposait à l’égard de beaucoup de personnes. Après avoir rendu à ces généreux ami, à ces vertueuses bienfaitrices tous les services qui dépendaient de moi, je quittai avec regret ce délicieux séjour. Je restai dix sept jours à Cognac dans une mai-son bien respectable, j’y fus reçu avec les mêmes égards et la même affection que j’avais éprouvé à Saintes. Même accueil partout où j’ai passé, à Jarnac, Angoulême, Limoges, Mou-lins, Branssat, La Cour, etc. où j’ai séjourné, tantôt plus tantôt moins selon le besoin qu’avaient de moi mes généreux hôtes qui tous m’ont comblé de bienfaits. En arrivant à ma malheureuse paroisse, je la trouvais entièrement pervertie. Un détestable intrus avait préparé les voies. Mon mobilier avait été vendu à l’encan ; mais ce qui me pénétra le plus fut la perte de mes livres ; ils m’avaient coûté plus de 12.000 frs. Les Saints Pères dont j’avais une collection précieuse furent donnés presque pour rien aux revendeuses et marchandes pour envelopper le beurre, le tabac etc. Dieu me l’avait donné, Dieu me la ôté. Dépouillé de tout, je pris le parti de fuir un département où régnaient tant d’injustice et de férocité, tant d’ingratitude et de perfidie. Pas un seul de ces nombreux amis que je régalais souvent autrefois n’eut le courage de sauver quelque chose ce de qui m’appartenait, et d’arracher au moins quelques livres à la rapacité des nouveaux cartouches. J’avais pris en partant de Saintes la ferme résolution et j’y ai été fidèle, de ne plus me fier à la loyauté de la Nation, ayant appris d’une triste expérience ce qu’il fallait entendre par ce mot de loyauté. Ainsi j’ai toujours été en garde contre ces serments, ces soumissions, ces déclarations perfides et insidieuses par lesquelles on a tâché de nous leurrer et bien m’en a pris d’agir de la sorte, et d’avoir pris pour règle de ma conduite cette sentence de Virgile : « Timeo Danaos et dona ferentes »* J’ai appris par des voies sûres que le petit nombre de mes confrères qui a survécu à notre funeste déportation et qui avaient obtenu leur liberté, ont été derechef saisis, emprisonnés et déportés à la réserve, cependant, de quelques uns qui se sont expatriés ou qui, ainsi que moi, se sont tenus bien cachés. Il ne se passe guère de jours où on ne voit arriver ici des charrettes chargées de prêtres enchaînés qu’on conduit à Rochefort. Combien de tous les points de la France ont fini leurs jours ou les finiront dans l’hôpital de cette ville où on les entasse les uns sur les autres. L’asile où jusqu’à présent le Seigneur m’a caché sous l’ombre de ses ailes ne m’a pas empêché d’entendre gronder l’orage de cette nouvelle persécution si grande encore. Aucune des lois, portées contre les prêtres, n’a été rapportée. Il règne quelquefois un calme qui fait dire à plusieurs que nos maux sont finis. Mais c’est un calme perfide. Tant qu’il y aura des dénonciateurs nous avons tout à craindre et il y en a malheureusement un grand nombre qui sont presque tous intéressés à ce que la religion catholique ne subsiste plus. Car cette religion sainte ordonne, sous peine de damnation éternelle, de restituer le bien mal acquis. Comme je n’ai pas entrepris de traiter cette matière, j’attends avec soumission à la volonté du Seigneur ce qu’il lui plaira ordonner de moi. Je finis par une réflexion qui me fait comprendre combien est terrible l’abandon de Dieu. Le sort funeste du plus grand nombre de leurs prédécesseurs semblerait devoir faire de salutaires impressions sur les persécuteurs d’aujourd’hui. Mais rien ne les touche. Ils sont endurcis et continuent la guerre contre Dieu et son Christ, comme s’ils étaient sûrs de remporter la victoire. Ils ne pensent pas que le moment viendra, et peut-être n’est-il pas bien loin, où le bras du Tout-puissant les arrêtera, les confondra, les terrassera. Ils diront alors : « Il est juste d’être soumis à Dieu » mais ils le diront comme l’impie Antiochus à qui Dieu ne devait point faire miséricorde. (2 Tim 3, 12) « Oui, tous ceux qui veulent vivre dans le Christ Jésus avec piété seront persécutés. »
Traduction rajoutée :
- « Je crains les Grecs, même quand ils font des offrandes » [aux dieux]
TABLEAU GENERAL
Des Ecclésiastiques condamnés, ou plutôt conduits sans jugement préalable (la déportation n’ayant pas eu lieu) à bord des vaisseaux Le Borée, les Deux Associés, le Bon Homme Ri-chard, le Washington, l’Indien où ils ont souffert les ardeurs de la canicule et les rigueurs de l’hiver (au moins pour la plus grande partie) ayant séjourné près de onze mois sur ces vaisseaux.
On a tâché d’être exact autant qu’il s’est pu faire sur le nombre des morts et des déportés, mais on n’ose se flatter que l’exactitude soit parfaite, parce que vu la haine de nos ennemis qui nous tenaient dans une gêne continuelle, on n’a pu se procurer tous les renseignements qu’on désirait et on n’a pu jouir du temps nécessaire pour constater exactement le tout. On a omis les prêtres des départements autres que de celui de l’Allier, qui sont morts en route parce qu’il n’a pas été possible d’en être bien instruit ; mais on se flatte que s’il y a quelques erreurs, elles sont en si petit nombre, qu’on peut dire avec vérité que le présent catalogue est généralement parlant exact. On a mis les départements par ordre alphabétique.
Départements | Chefs lieux | Vivants | Morts | Total |
---|---|---|---|---|
Allier | Moulins | 14 | 62 | 76 |
Aube | Trois | 3 | 0 | 3 |
Calvados | Caen | 2 | 2 | 4 |
Charente | Angoulême | 9 | 14 | 23 |
Charente inf. | Saintes | 3 | 10 | 13 |
Cher | Bourges | 3 | 6 | 9 |
Côtes du Nord | St Brieux | 10 | 17 | 27 |
Creuse | Guéret | 7 | 14 | 21 |
Dordogne | Périgueux | 18 | 44 | 62 |
Doubs | Besançon | 2 | 4 | 6 |
Eure et Loire | Chartres | 2 | 7 | 9 |
Finistère | Quimper | 19 | 10 | 29 |
Indre et Loing | Tours | 1 | 1 | 2 |
Ile et Vilaine | Rennes | 2 | 0 | 2 |
Lozère | Mende | 1 | 0 | 1 |
Manche | Coutances | 1 | 1 | 2 |
Marne | Chalons | 1 | 4 | 5 |
H. Marne | Chaumont | 1 | 2 | 3 |
Meurthe | Nanci | 10 | 38 | 48 |
Meuse | Bar-le duc | 36 | 83 | 119 |
Montblanc | Chambéri | 6 | 1 | 7 |
Morbihan | Vannes | 6 | 11 | 17 |
Moselle | Metz | 18 | 27 | 45 |
Nièvre | Nevers | 1 | 0 | 1 |
Orne | Alençon | 3 | 5 | 8 |
Saone et Loire | Mâcon | 22 | 14 | 36 |
Sarthe | Le Mans | 3 | 0 | 3 |
Seine et Marne | Melun | 1 | 0 | 1 |
Seine inf. | Rouen | 8 | 73 | 81 |
Les 2 Sèvres | Niort | 2 | 0 | 2 |
Somme | Amiens | 5 | 5 | 10 |
Vienne | Poitiers | 16 | 17 | 33 |
H. Vienne | Limoges | 32 | 57 | 89 |
Vosges | Epinal | 12 | 3 | 15 |
Yonne | Auxerre | 5 | 10 | 15 |
Total | 35 | 285 | 542 | 827 |
« Sur un si grand nombre, combien peu, amis lecteurs, survivent »
TABLEAU P A R T I C U L I E R
Des prêtres et autres ecclésiastiques séculiers et réguliers en réclusion à la maison de Ste Claire de Moulins, chef lieu du département de l’Allier, conduits en trois différentes fois à la déportation au nombre de 76.
Le premier envoi est parti pour la déportation le 25 Novembre 1793. Il était composé de 27 personnes dont voici les surnoms : (p. 47)
1 Béraud - 2 Bonnefont - 3 Bougarel - 4 Boutoute - 5 Causse - 6 Céron - 7 Dubarri - 8 Dubost (Jean) – 9 Dubost (Antoine) – 10 Durangeon – 12 Graillot - 13 Gueston – 14 Imbert – 15 Jobier – 16 La place – 17 Lequin – 18 Lucas (François) – 19 Meunier – 20 Molle – 21 Montjournal – 22 Moutet – 23 Papon – 24 Raimond – 25 Ripoud – 26 Roddier – 27 Savouret.
Le second envoi est parti pour la déportation le 29 Novembre 1793 et a joint le premier, à Angoulême. Il était composé de 24 personnes dont voici les surnoms (p 48) :
1 Bonnet – 2 Dom. Charles – 3 Chouvigni – 4 Decluni – 5 Depont – 6 Dhérat – 7 Dom. Douvreleur – 8 Ducroux – 9 Formet – 10 Gravier – 11 Haraud – 12 Joudioux – 13 La Romagère – 14 Le Comte – 15 Lucas (Pierre) – 16 Madet – 17 Moreau – 18 Prat – 19 Pravier – 20 Roger – 21 Roux (Henri) – 22 Roux (Jean) – 23 Le P. Simon – 24 Talbot -
Le troisième envoi est parti pour la déportation le 13 Avril 1794 et a joint les deux autres à la rade de l’isle d’Aix. Il était composé de 25 personnes dont voici les surnoms (p. 48) :
1 Auberger – 2 Bernard – 3 Bisseret – 4 Cerindat – 5 Chérier - 6 Clavier – 7 David – 8 Deltour – 9 Desessart – 10 Elie – 11 Giraud – 12 Godin – 13 Irondy – 14 Jamin – 15 Léon – 16 Loir – 17 Don Macaire – 18 Nivelon – 19 Petit – 20 Pinturel – 21 Réné – 22 Reuchoux – 23 Souchard – 24 Tournaire – 25 Valarcher -
Ce tableau aura trois colonnes. Dans la première on marquera de quel envoi est la personne. Dans la seconde, on met 1° le surnom du déporté. 2° son nom de baptême entre deux paren-thèses. 3° leurs titres et leurs qualités. 4° le lieu de leur naissance et le diocèse dont il dépen-dent. 5° leur âge qui doit se prendre du premier départ pour la déportation, c’est à dire de la fin de Novembre 1793. Comme on n’a pu savoir le jour fixe de la naissance, il faut se con-tenter des à peu près, trente trois ans par exemple, doivent signifier 33 ans plus ou moins quelques mois. La troisième colonne est pour ceux qui sont décédés. On marque le jour précis de la mort et le lieu où la personne est enterrée. Ce que je fais pour mon département, mes chers confrères que les circonstances ont réunis à la rade de l’isle d’Aix, l’ont fait pour leurs départements respectifs. Je sens bien qu’un tableau détaillé de tous les prêtres déportés de chacun des trente cinq départements satisferait la curiosité de bien des lecteurs. Mais pareille collection ne m’a pas été possible. D’ailleurs les fautes et en grand nombre étaient inévitables, vu les corrections et additions qu’il eut fallu faire tous les jours. Je sais qu’un de mes con-frères avait entrepris cet ouvrage de longue haleine, mais je sais aussi que les brutaux à la merci desquels nous étions, déchirèrent plusieurs fois son ouvrage. Quand nous sortîmes du vaisseau, il ne lui restait de son travail qu’un simple croquis et encore était-il bien informe. Je doute qu’il ait pu donner à son ouvrage la perfection nécessaire. Si vous avez jeté un coup d’œil sur le tableau général ci-dessus, vous avez dû remarquer, mes chers lecteurs, qu’après le département de la Seine inférieure, celui de l’Allier a été le plus maltraité, en sorte que de 157 déportés de ces deux départements, il n’en est resté que 22, ce qui ne fait pas un septième. Moins cruelles étaient les noyades de Carlier et les fusillades de ses malheureux émules. Les malheureuses victimes de ces monstres ne souffraient pas si longtemps. Mais selon les vues d’une providence toujours sage, toujours adorable, ceux-ci ont été éprouvés d’une façon, ceux-là d’une autre. Et par tout la religion a triomphé. Son divin auteur s’est ri des projets insensés de la malice et des efforts de nos persécuteurs. Leur cruauté quoique raffinée, s’est épuisée en inventions et n’a servi qu’à faire voir que la religion Catholique, Apostolique et Romaine n’est pas l’ouvrage des hommes, mais qu’elle est cette colonne ferme, solide, iné-branlable, contre laquelle les puissances infernales ne prévaudront jamais, mais qu’elle est cette pierre angulaire et fondamentale qui doit écraser tous ceux sur qui elle tombera et contre laquelle doivent se briser les efforts de tous nos ennemis. Nos persécuteurs se sont plutôt lassés de nous tourmenter que nous de souffrir. Qu’ils continuent, si c’est la volonté du Sei-gneur, à nous faire éprouver l’excès de leur rage, qu’un orage encore plus violent s’élève contre nous. Pleins de confiance en celui qui nous conforte, fidèles imitateurs, avec le secours de la grâce divine, des chers confrères qui nous ont précédés et qui ont combattu jusqu’à la fin ; nous ne dégénèreront pas (Tableau p.p. 50 à 58).
1 | 1 du 3 env. | Auberger (François) Curé de Chevagnes, dioc. d’Autun - né à Colombiers, même dioc. – âgé de 53 ans | 9 oct. 1794 i. Madame |
2 | 1 du 1 env. | Beraud (Jean-Jacques) Chanoine de N.D. de Moulins, dioc. d’Autun, né au même lieu – âgé de 37 ans | 21 juillet 1794 isle d’Aix |
3 | 2 du 3 env. | Bernard (Jacques) Curé de Vouroux les Varennes, dioc. De Clermont, né à Vichi même diocèse – âgé de 69 ans | 27 août 1794 i. Madame |
4 | 3 de 3 env. | Bineret (Jacques-François Deschamps de) Chanoine de St Just de Lyon, né à Bisseret, paroisse de Lavaut Ste Anne, dioc. de Bourges – âgé de 34 | |
5 | 2 du 1 env. | Bonnefont (Claude-Joseph Jouffret de) Sulpicien, supérieur du petit séminaire d’Autun, né à Gannat, dioc. de Clermont – âgé de 42 ans | 10 août 1794 isle d’Aix |
6 | 1 du 2 env. | Bonnet (Charle) Prêtre né à Cuffi près Nevers – âgé de 27 ans | |
7 | 3 du 1 env. | Bougarel (Charles) Curé de Biauzat, dioc de Clermont, né à Gannat, même dioc. – âgé de 63 ans – Mort en route - | 30 déc. 1793 Angoulême |
8 | 4 du 1 env. | Boutoute (Jean) Curé de Braize, dioc. de Gourges, né à Murat le Vicomte, dioc. de St Flour – âgé de 53 ans | 25 nov. 1794 Fort Wassow |
9 | 5 du 1 env. | Causse (Jean) Curé de Chatel de Neuvie, dioc. de Clermont, né à St Pourçain, même dioc. – âgé de 61 ans | 7 juillet 1794 isle d’Aix |
10 | 4 du 3 env. | Cerendat (Pierre) Chanoine de Cusset, dioc. de Clermont, né à St Loup même dioc. – âgé de 52 ans | 18 août 1794 isle d’Aix |
11 | 6 du 1 env. | Ceron (Pierre Rousseau de) Curé du Saulcet, dioc. de Clermont, né à St Cyprien, même diocèce – âgé de 62 ans | 14 sept. 1794 i. Madame |
12 | 2 de 2 env. | Charles (Dom Paul-Jean) Prieur de Sept-Fonts, diocèse d’Autun, né à Chevigni, même diocèse – agé de 50 ans | 25 août 1794 i. Madame |
13 | 5 du 3 env. | Cherier (Antoine) Secrétaire de Mgr l’Archevêque de Toulouse, né à Luneville, diocèse de Nanci – âgé de 39 ans | 1 sept. 1794 i. Madame |
14 | 3 du 2 env. | Chouvigni (Jean-Gilbert de Blot de) Chanoine de N.D. de Moulins, diocèse d’Autun, né à St Bonnet de Rochefort, dioc. de Bourges – âgé de 48 ans | 22 sept. 1794 i. Madame |
15 | 6 du 3 env. | Clavier (François Xavier) dit frère Onuphre, Convers de Sept-fonts, dioc. d’Autun, né à Vesoul, dioc. de Besançon – âgé de 47 ans | |
16 | 7 du 3 env. | David (Pierre) Curé de Molles, dioc. de Clermont, né à Chaproux près Moulins, dioc. d’Autun – âgé de 44 ans | 7 sept. 1794 i. Madame |
17 | 4 du 2 env. | Decluni (Pierre) Minime de la Maison de Moulins, dioc. d’Autun, Province de Lyon, né au. Moulins – âgé de 58 ans, mort en route. | 16 janv. 1794 Saintes |
18 | 8 du 3 env. | Deltour (Denis) Curé de St Allyer de Valence, dioc. de Clermont, né à Cheylades, même dioc. – âgé de 33 ans | 3 août 1794 isle d’Aix |
19 | 5 du 2 env. | Depont (Louis) ancien curé de Chatel de Montagne, dioc. de Clermont, né à Bruchat, même dioc. – âgé de 62 ans | 4 juillet 1794 isle d’Aix |
20 | 9 du 3 env. | Desessart (Jean-Baptiste) Curé de Cheval-Rigon, dioc. de Clermont, nè au même lieu – âgé de 60 ans | 27 juillet 1794 isle d’Aix |
21 | 6 du 2 env. | Dhérat (Jean) Chanoine de la Sainte Chapelle d’Aigueperse, dioc. de Clermont, né à Busset, même dioc. – âgé de 50 ans | |
22 | 7 du 2 env. | Douvreleur (Dom Jean Augustin) Bénédictin de la congréga- tion de St Maur, procureur de la maison du St Pourçain, dioc. de Clermont, né à Allanches, même dioc. – âgé de 45 ans | 18 août 1794 isle d’Aix |
23 | 7 du 1 env. | Dubarri (Sébastien) prêtre de la doctrine chrétienne, ancien professeur de Rhétorique à Moulins, dioc. d’Autun, né à Léritoure – âgé de 31 ans | 26 août 1794 i. Madame |
24 | 8 du 1 env. | Dubost (Jean) Curé de Teneuil, dioc ; de Bourges, né à St Priest en Murat, même diocèse – âgé de 67 ans | 19 juillet 1794 isle d’Aix |
25 | 9 du 1 env. | Dubost (Antoine) Curé de St Caprais, dioc. de Bourges, né à St Priest en Murat, même diocèse – âgé de 64 ans | 9 août 1794 isle d’Aix |
26 | 8 du 2 env. | Ducroux (Antoine) Sémiprébendé de N.D. de Moulins, dioc. d’Autun, né au même lieu – âgé de 33 ans | |
27 | 10 du 1 env. | Durand (Pierre-Joseph) Maître d’Ecole à Cusset, dioc. de Clermont, né à Moulins, dioc. d’Autun – âgé de 42 ans | |
28 | 11 du 1 env. | Durangeon (Etienne) Recollet de la maison de Tours, province de Sainte Marie Magdeleine, né à Aisnoi le Château, diocèse de Bourges – âgé de 40 ans | 9 nov. 1794 Fort Wassow |
29 | 10 du 3 env. | Elie (Joseph Desgardins dit frère) Chirurgien, convers de Sept-Fonts, dioc. d’Autun, né à Hénin Liétard, dioc. d’Aras âgé de 45 ans | 6 juillet 1794 isle d’Aix |
30 | 9 du 2 env. | Formet (Cloud) ancien professeur de Rhétorique à Moulins, dioc., d’Autun, né à Brai sur Somme, dioc. d’Amiens – Agé de 60 ans | 18 août 1794 isle d’Aix |
31 | 11 du 3 env. | Giraud (Nicolas) Curé de Vichi, diocèse de Clermont, né à Cusset, même dioc. – âgé de 60 ans | 4 mai 1794 isle d’Aix |
32 | 12 du 3 env. | Godin (Pierre-Charles) Curé de Maillet, dioc. de Bourges, né à St Amand, même diocèse – âgé de 75 ans | 9 sept. 1794 i. Madame |
33 | 12 du 1 env. | Graillot (Jacques) Curé de Givarlai, diocèse de Bourges, né à Montluçon, même diocèse – âgé de 60 ans | 16 août 1794 isle d’Aix |
34 | 10 du 2 env. | Gravier (Pierre) Vicaire de Cindré, dioc. de Clermont, né à Ayat, même dioc. – âgé de 38 ans | 26 août 1794 i. Madame |
35 | 13 du 1 env. | Gueston (Pierre) Curé de Saint Angel, diocèse de Bourges, né au Theil, même diocèse – âgé de 66 ans | 14 mai 1794 isle d’Aix |
36 | 11 du 2 env. | Haraud (Marc-Antoine) Chanoine de Montluçon, diocèse de Bourges, né à Moulins, diocèse d’Autun – âgé de 33 ans | |
37 | 14 du 1 env. | Imbert (Joseph) Exjésuite, domicilié à Moulins, dioc. d’Autun, né à Marseille – âgé de 75 ans | 9 juin 1794 isle d’Aix |
38 | 13 du 3 env. | Irondy (Guillaume) Curé de Vesse, dioc. de Clermont, né à Chaussenac, même diocèse – âgé de 71 ans | 25 sept. 1794 i. Madame |
39 | 14 du 3 env. | Jamin (Jean-Pierre) Prêtre, né à Moulins, dioc. d’Autun – âgé de 37 ans | |
40 | 15 du 1 env. | Jobier (Pierre) Prieur, curé de Voussac, diocèse de Bourges, né à Aisnai-le Château, même diocèse – âgé de 57 ans | 14 août 1794 isle d’Aix |
41 | 12 du 2 env. | Joudioux (Jacques-Etienne) Curé de Neuville, diocèse de Bourges, né à Hérissan, même diocèse, âgé de 56 ans | 4 sept. 1794 i. Madame |
42 | 16 du 1 env. | Laplace (Claude) Curé de St Jean de Moulins, dioc. d’Autun, né à Bourbon Lanci, même dioc. – âgé de 69 ans | 15 sept. 1794 i. Madame |
43 | 13 du 2 env. | La Romagere (Pierre-Joseph Legroing de) Vicaire général et Chanoine de la Métropole de Bourges, né à St Sauvier, même diocèse – âgé de 42 ans | 26 juillet 1794isle d’Aix |
44 | 14 du 2 env. | Le Comte (Noël-Hilaire) Musicien, Clerc et Bénéficien de Bourges, né à Chartres – âgé de 28 ans | 14 août 1794 isle d’Aix |
45 | 15 du 3 env. | Leon (Jean Mopinot dit le fr.) des écoles chrétiennes de Moulins, dioc. d’Autun, né à Rheims – âgé de 71 ans | 21 mai 1794 isle d’Aix |
46 | 17 du 1 env. | Lequin (Antoine) Prieur, Curé de Lauriges, dioc. de Clermont né à Cusset, même dioc. – âgé de 60 ans | |
47 | 16 du 3 env. | Loir (Jean-Baptiste-Jacques-Louis-Xavier) Capucin de la maison et province de Lyon, né à Besançon – âgé de 77 ans | 19 mai 1794 isle d’Aix |
48 | 18 du 1 env. | Lucas (François) Prieur Curé de Chappes, diocèse de Bourges né à Sénat, même diocèse – âgé de 68 ans | 2 sept. 1794 i. Madame |
49 | 15 du 2 env. | Lucas (Pierre) Prieur-Curé de Rodes, diocèse de Bourges, né à Sénat, même diocèse – âgé de 59 ans | 26 juillet 1794 isle d’Aix |
50 | 17 du 3 env. | Macaire (Jean Joseph d’Incamps dit Dom.) Hospitalier de Sept-Fonts, dioc. d’Autun, né à Couserans – âgé de 67 ans | 19 juin 1794 isle d’Aix |
51 | 16 du 2 env. | Madet (Gilbert-Isaac) Prieur-Curé de Chavenon, dioc. de Bourges, né à Bourbon l’Archambaud, même dioc. – âgé de 48 ans | |
52 | 19 du 1 env. | Meunier (Claude) Sémiprébendé de N.D. de Moulins, dioc. d’Autun, né au dioc. de Moulins – âgé de 29 ans | |
53 | 20 du 1 env. | Molle (Gilbert) Desservant de Soûpaize, diocèse de Clermont, né à Villosanges, même dioc. – âgé de 50 ans | 26 août 1794 i. Madame |
54 | 21 du 1 env. | Montjournal (Pierre Vernoi de) Chanoine de N.D. de Moulins, dioc. d’Autun, né au même lieu – âgé de 37 ans | 1 juin 1794 isle d’Aix |
55 | 17 du 2 env. | Moreau (Amable) Prieur-curé de Murat, diocèse de Bourges, né à Moulins, diocèse d’Autun – âgé de 42 ans | |
56 | 22 du 1 env. | Moutet (Alexandre) Vicaire de Vichi, diocèse de Clermont, né à Brioude, diocèse de St Flour – âgé de 34 ans | 27 sept. 1794 i. Madame |
57 | 18 du 3 env. | Nivelon (Michel) Curé de Sauvani le Cantal, diocèse de Bourges, né à Doyet, même dioc. – âgé de 71 ans | 16 juin 1794 isle d’Aix |
58 | 23 du 1 env. | Papon (Philippe) Curé de Contigni, diocèse de Clermont, né à Saint Pourçain, même diocèse – âgé de 50 ans | 17 juin 1794 isle d’Aix |
59 | 19 du 3 env. | Petit (Pierre) Prêtre né à Domirat, diocèse de Bourges – âgé de 28 ans | 7 août 1794 isle d’Aix |
60 | 20 du 3 env. | Pinturel (Jean) Curé d’Escuralles, diocèse de Clermont, né à Gannat, même diocèse – âgé de 66 ans | 25 juillet 1794 isle d’Aix |
61 | 18 du 2 env. | Prat (Jean Pierre) Chanoine de la Ste Chapelle de Bourbon l’Archambaud, dioc. de Bourges, né à Thaily, diocèse de Lyon – âgé de 38 ans | 19 juillet 1794 isle d’Aix |
62 | 19 du 2 env. | Pravier (Maurice Deschamps de) ancien trésorier de la Sainte Chapelle de Bourbon l’Archambaud, diocèse de Bourges, né à Meiller, même diocèse – âgé de 50 ans, mort en route. | 11 déc. 1794 Angoulême |
63 | 24 du 1 env. | Raimond (Jean) Curé de Périgni, diocèse de Clermont, né à Menet, même diocèse – âgé de 63 ans | 15 août 1794 isle d’Aix |
64 | 21 du 3 env. | Réné Leroy dit frère Réné convers des Sept-Fonts, dioc. d’Au- tun, né à Chalonne sur Loire, dioc. d’Angers, âgé de 55 ans | 15 août 1794 isle d’Aix |
65 | 22 du 3 env. | Reuchoux (Antoine) Secrétaire de Mgr l’Evêque de Clermont, chanoine de Bilhom, même diocèse, né à Chalons sur Saone – âgé de 49 ans | 9 juillet 1794 isle d’Aix |
66 | 25 du 1 env. | Ripoud (Jean) Chanoine de N.D. de Moulins, diocèse d’Autun, né au même lieu – âgé de 63 ans | 19 juillet 1794 Isle d’Aix |
67 | 26 du 1 env. | Roddier (Antoine) Curé de Saint Etienne du bas, diocèse de Clermont, né à Allanches, même diocèse – âgé de 61 ans | 22 août 1794 i. Madame |
68 | 21 du 2 env. | Roger (Pierre-Sulpice-Christophle, Faverge dit frère) directeur des écoles chrétiennes de Moulins, diocèse d’Autun, né à Orléans – âgé de 48 ans | 12 sept. 1794 i. Madame |
69 | 22 du 2 env. | Roux (Henri) Curé de Lusigni, diocèse d’Autun, né à St Hilaire, diocèse de Bourges – âgé de 56 ans | 24 juillet 1794 isle d’Aix |
70 | 22 du 2 env. | Roux (Jean) Curé de St Léon, diocèse de Clermont, né à Sauxillanges, même diocèse – âgé de 41 ans | 16 juin 1794 isle d’Aix |
71 | 27 du 1 env. | Savouret (Nicolas) cordelier, directeur des Religieuses de Ste Claire de Moulins, diocèse d’Autun, né à Jonvelle, diocèse de Besançon – âgé de 62 ans | 16 juillet 1794 isle d’Aix |
72 | 23 du 2 env. | Simon (le père) Exbrayat cordelier, gardien de la maison de St Pourçain, province de St Bonaventure, diocèse de Clermont, né au Mont corraze, paroisse de Lantriac, diocèse du Pui – âgé de 45 ans | |
73 | 23 du 3 env. | Souchard (Joseph) cordelier, gardien de la maison de Montluçon, province de St Bonaventure, diocèse de Bourges, né à Clermont – âgé de 65 ans | 14 juillet 1794 isle d’Aix |
74 | 24 du 2 env. | Talbot (Laurent) Curé d’Averme, diocèse d’Autun, né à Moulins, même diocèse – âgé de 45 ans | 14 juillet 1794 isle d’Aix |
75 | 24 du 3 env. | Tournaire (Antoine) Curé de Barberier-Persenat, diocèse de Clermont, né à Saint Ours, même diocèse – âgé de 55 ans | 3 sept. 1794 i. Madame |
76 | 225 du 3 env. | Valarcher (Jacques) Curé de Saint Pons, diocèse de Clermont, né à Cheylades, même diocèse – âgé de 75 ans | 10 juillet 1794 isle d’Aix |
(Ps 79, 8 ) « Ne te souviens plus de nos iniquités passées ! Que tes compassions viennent en hâte au devant de nous ! »
T A B L E A U
Des mêmes selon l’ordre de l’âge de chacun. On commence par les plus vieux. La lettre M
désigne ceux qui sont morts. Vous observerez que les trente premiers à raison de leur âge et un grand nombre d’autres à raison des infirmités dont ils se trouvaient atteints et lesquelles avaient été légalement constatées étaient exempts selon les lois de la déportation. Mais parler de lois à des scélérats qui sont les plus forts c’est parler à des sourds. Le papier ne sera pas souillé de leurs noms. Jugez par ce que je vais vous dire combien étaient féroces ceux qui dominaient alors dans Moulins. Pravier incommodé d’une hernie, Bougarel atteint d’une fluxion de poitrine et âgé outre cela de 63 ans. Le père Loir accablé d’âge et d’infirmités, ne pouvant marcher que tout courbé, ne leur parurent pas assez infirmes pour échapper à la déportation. Ils eurent même la cruauté de faire placer ce bon religieux sur le derrière de la charrette afin que le cahot rendit plus vives ses douleurs. Malgré cette barbarie, il parvint jusqu’au vaisseau ; je fus pénétré d’horreur lorsque je vis arriver ce respectable religieux. Ô mon Dieu, disais-je, que vos jugements sont impénétrables. Le Seigneur lui accorda le temps de nous édifier tous par sa soumission sans réserve à la volonté du Souverain maître et par sa patience admirable. Quant aux deux premiers, ils ne purent parvenir que jusqu’à Angoulême. Là, fut le terme de leurs travaux. Là, Dieu mit fin à leurs souffrances et les appela dans sa miséricorde. Ils furent les glorieuses prémices de ces nombreux confesseurs de la foi catho-lique qui devaient terminer leur carrière à la rade de l’isle d’Aix. Les horreurs de notre dépor-tation ne furent pas capables d’assouvir la rage de ces monstres, moins d’un mois après le premier envoi, ils firent guillotiner à Lyon trente deux des plus distingués, des plus recom-mandables, des plus intègres citoyens de Moulins et plongèrent par là cette malheureuse ville dans le deuil le plus amer. Quand je revins de la déportation et que je passai par cette ville désolée, je vis couler encore, car elles n’étaient pas taries, les larmes amères que causait une si grande perte. Sans un représentant qui mit un frein à leur fureur, les tigres allaient immoler bien d’autres victimes. Les charrettes funèbres pour les conduire à Lyon étaient déjà prêtes, tant était grande en eux la soif du sang innocent. Il ne faut pas s’en étonner, on était alors sous la verge de fer du trop fameux Robespierre. Que si nos farouches persécuteurs laissèrent dans la maison de réclusion cinq ou six prêtres, c’est que ces dignes ministres du Seigneur étaient si décrépits, si impotents, si cassés que les monstres craignirent d’être assommés par le peuple qui manifestait déjà son indignation, car la perversion n’était pas encore générale et le plus grand nombre avait encore des sentiments de religion.
Ages | Surnoms Morts |
---|---|
77 | Le P. Loir m |
75 | Godin m |
75 | Le P. Imbert m |
75 | Valarcher m |
73 | Deltour m |
72 | Nivelon m |
71 | Irondy m |
71 | Le fr. Léon m |
69 | Bernard m |
69 | La Place m |
68 | Lucas (François) m |
67 | Dubost (Jean) m |
67 | Dom. Macaire m |
60 | Formet m |
60 | Giraud m |
60 | Graillot m |
60 | Lequin |
59 | Lucas (Pierre) m |
58 | Le P. Decluni m |
57 | Jobier m * |
57 | Montjournal m |
56 | Joudioux m |
56 | Roux (Henri) m |
55 | Le fr. Réné m |
55 | Tournaire m |
53 | Auberger m |
53 | Boutoute m |
52 | Cerindat m |
52 | D. Charles m |
50 | Dhérat |
50 | Molle m |
50 | Papon m |
50 | Pravier m |
49 | Reuchoux m |
48 | Chauvigni m |
48 | Madet |
48 | Le fr. Roger m |
47 | Le fr. Clavier |
66 | Gueston m. |
66 | Pinturel m |
65 | Le P. Souchard m |
64 | Dubost (Antoine) m |
63 | Bougarel m |
63 | Raimond m |
63 | Ripoud m |
63 | Le P. Savouret m |
62 | Ceron m |
62 | Depont m |
61 | Causse m |
61 | Desessart m |
61 | Roddier m |
45 | Dom. Douvreleur m |
45 | Le fr. Elie m |
45 | Le P. Simon |
44 | David m |
42 | Durand |
42 | Bonnefont m |
42 | La Romagère m |
42 | Moreau |
41 | Roux (Jean) m |
41 | Talbot |
40 | Le P. Durançon m |
39 | Chérier m |
38 | Gravier m |
38 | Prat m |
37 | Beraud m |
34 | Bisseret |
34 | Moutet m |
33 | Ducroux |
33 | Haraud |
31 | Dubarri m |
29 | Meunier |
28 | Lecomte m |
28 | Petit m |
27 | Bonnet |
27 | Jamin |
« Pour les malheureux survivants, frères amis, formez en abondance des vœux »
N E C R O L O G E
Ou tableau de ceux des ecclésiastiques qui sont décédés, selon la date de la mort de chacun. Le lecteur verra que les mois de juillet et d’août ont été parmi nous les plus mortels. Quel triste et lugubre tableau, il aurait eu devant les yeux si j’avais pu y joindre les prêtres des au-tres départements ! Combien de pages n’aurait il pas fallu pour remplir ces deux mois. Mon intention a été d’être utile aux parents des décédés ; c’est pourquoi je me suis appliqué à faire cette liste très exacte.
1793
NB | Date | Nom |
---|---|---|
1 | 11 déc. | Pravier |
2 | 30 déc. | Bougarel |
1794
NB | Date | Nom |
---|---|---|
3 | 16 janv. | Decluni |
4 | 4 mai | Giraud |
5 | 14 mai | Gueston |
6 | 19 mai | Le P. Loir |
7 | 21 mai | le fr. Léon |
8 | 1 juin | Montjournal |
9 | 9 juin | le P. Imbert |
10 | 16 juin | Nivelon |
11 | 17 juin | Roux (Jean) |
12 | 19 juin | Papon |
13 | 24 juin | D. Macaire |
14 | 4 juillet | Depont |
15 | 6 juillet | le fr. Elie |
16 | 7 juillet | Causse |
17 | 9 juillet | Reuchoux |
18 | 14 juillet | Valarcher |
19 | 14 juillet | le P. Souchard |
20 | 16 juillet | le P. Savouret |
21 | 19 juillet | Dubost (Jean) |
22 | 19 juillet | Prat |
23 | 19 juillet | Ripoud |
24 | 21 juillet | Beraud |
25 | 25 juillet | Pinturel |
26 | 25 juillet | Roux (Henri) |
27 | 26 juillet | La Roumagère |
28 | 26 juillet | Lucas (Pierre) |
29 | 27 juillet | Desessart |
30 | 3 août | Deltour |
31 | 7 août | Petit |
32 | 9 août | Dubost (Antoine) |
33 | 10 août | Bonnefont |
34 | 14 août | Jobier |
35 | 14 août | Le Comte |
36 | 15 août | Raimond |
37 | 15 Août | le fr. Réné |
38 | 16 août | Graillot |
39 | 18 août | Cerindat |
40 | 18 août | D. Douvreleur |
41 | 18 août | Formet |
42 | 22 août | Roddier |
43 | 25 août | D. Charles |
44 | 26 août | Dubarri |
45 | 26 août | Gravier |
46 | 26 août | Molle |
47 | 27 août | Bernard |
48 | 1 sept. | Chérier |
49 | 2 sept. | Lucas (François) |
50 | 3 sept. | Tournaire |
51 | 4 sept. | Joudioux |
52 | 7 sept. | David |
53 | 9 sept. | Godin |
54 | 12 sept. | Le fr. Roger |
55 | 14 sept. | Ceron |
56 | 15 sept. | Laplace |
57 | 22 sep. | Chouvigni |
58 | 25 sept. | Irondy |
59 | 27 sept. | Moutet |
60 | 9 oct. | Auberger |
61 | 9 nov. | Le P. Durançon |
62 | 25 nov. | Boutoute |
(Sag. 3, 4) « S’il ont, aux yeux de Dieu, subi des châtiments, leur espérance était pleine d’immortalité »
T A B L E A U
De ceux qui ont survécu, par ordre d’âge, c’est à dire les plus âgés les premiers.
NB | Nom | Age |
---|---|---|
1 | Lequin | 60 |
2 | Dherat | 50 |
3 | Madet | 48 |
4 | Le fr. Clavier | 47 |
5 | Le P. Simon | 45 |
6 | Durand | 42 |
7 | Moreau | 42 |
8 | Talbot | 41 |
9 | Bisseret | 34 |
10 | Ducroux | 33 |
11 | Haraud | 33 |
12 | Meunier | 29 |
13 | Bonnet | 27 |
14 | Jamin | 27 |
DERNIER TABLEAU
Des mêmes qui sont réunis ici sous différents titres, relativement à leurs fonctions et leur état dans la société. Dans le premier titre on distingue les diocèses, cette définition est inutile pour les autres titres.
Titre premier Curés, desservants, vicaires
Diocèse de Clermont
Age | Nom | Lieu | Status |
---|---|---|---|
75 | Valarcher | Curé de Saint Pons | mort |
73 | Deltour | Curé de Saint Allysse de Valence | mort |
71 | Irondy | Curé de Vesse | mort |
69 | Bernard | Curé de Vauroux les Varennes | mort |
66 | Pinturel | Curé d’Escuralles | mort |
63 | Bougarel | Curé de Biauzat | mort |
63 | Raimond | Curé de Périgni | mort |
62 | Ceron | Curé de Saulcet | mort |
61 | Causse | Curé de Chatel de Neuvre | mort |
61 | Desessart | Curé de Cheval Rigon | mort |
61 | Roddier | Curé de St Etienne du Bas | mort |
60 | Giraud | Curé de Vichi | mort |
60 | Lequin | Curé de Lauriges | |
55 | Tournaire | Curé de Barberier Persenat | mort |
50 | Molle | Désservant de Soupaize | mort |
50 | Papin | Curé de Contigni | mort |
44 | David | Curé de Molles | mort |
41 | Roux (Jean) | Curé de St Léon | mort |
38 | Gravier | Vicaire de Cindré | mort |
34 | Moutet | Vicaire de Vichi | mort |
vivants : 1 - morts 19 – Total 20
« On voit de rares nageurs dans ce vaste gouffre » « Moi seul de mes chers frères, je survis »
Titre troisième Prêtres non bénéficiers
Age | Nom | Lieu | Status |
---|---|---|---|
62 | Dupont | Ancien curé de Chatel de Montagne | mort |
60 | Formet | Ancien professeur de Rhétorique | mort |
50 | Pravier | Ancien chanoine de Bourbon l’Arch. | mort |
42 | Bonnefont | Sulpicien | mort |
42 | Durand | Maître d’école | |
39 | Chérier | Secrétaire de Mgr l’Arch. de Toulouse | mort |
31 | Dubarri | Prêtre de la doctr. chrétienne | mort |
28 | Petit | Simple prêtre | mort |
27 | Bonnet | Simple prêtre | |
27 | Jamin | Simple prêtre |
vivant : 3 - morts : 7 - Total : 10 « De deux fois cinq, la mort en a pris sept et en a laissé trois »
Titre quatrième Réguliers
Age | Nom | Titre | Status |
---|---|---|---|
77 | Le P. Loir | Capucin | mort |
75 | Le P. Imbert | Exjesuite | mort |
67 | D. Macaire | Sept Fonts | mort |
65 | Le P. Souchard | Cordelier | mort |
62 | Le P. Savouret | Cordelier | mort |
52 | Le P. Decluni | Minime | mort |
50 | Le fr. Réné | Sept fonts | mort |
50 | D. Charles | Sept fonts | mort |
47 | Le fr. Clavier | Sept fonts | |
45 | D. Douvreleur | Bénédictin | mort |
45 | Le fr. Elie | Sept fonts | mort |
45 | Le P. Simon | Cordelier | |
40 | Le P. Durangeon | Récollet | mort |
vivants : 2 - morts : 11 - Total 13 « La noire mort en a frappé onze et en a laissé deux »
Titre cinquième Bénéficier clerc et congrégation laïque
Age | Nom | Lieux | Status |
---|---|---|---|
71 | Le fr. Leon | Ecoles chrétienne | mort |
48 | Le fr. Roger | Ecoles Chrétienne | mort |
28 | Lecomte Musicien | clerc | mort |
vivant : 0 - morts : 3 - Total : 3 « De vous trois, la mort cruelle n’en a épargné aucun" »
Récapitulation du dernier tableau Titre premier
Ville | Vivants | Morts | Total |
---|---|---|---|
Clermont | 1 | 19 | 20 |
Autun | 1 | 3 | 4 |
Bourges | 2 | 11 | 13 |
Titre second | 5 | 8 | 13 |
Titre troisième | 3 | 7 | 10 |
Titre quatrième | 2 | 11 | 13 |
Titre cinquième | 0 | 3 | 3 |
S O M M E | 14 | 62 | 76 |
JAMQUE OPUS EXEGI
« Et désormais, j’ai terminé »
Le présent ouvrage finira comme il a commencé, c’est à dire par des vers latins. Le carmen allegorium est de moi, j’ai pris les autres pièces dans divers auteurs.
F I N I S